J'aurais aimé...

J’aurais aimé Manosque et la Provence comme berceau de mon enfance !
J’aurais aimé séjourner au Paraïs !
J’aurais aimé avoir 20 ans au Contadour pour vivre la grande aventure ! Lire la suite...

mercredi 27 novembre 2013

Jean Giono en amitié, Maria et Ernest Borrely


Instituteurs, écrivains, engagés, résistants...


 "Les Borrély sont dans ce village comme dans la vie : à l'extrême pointe, en dehors de tous les abris". Jean Giono



Maria Borrély (source internet) 

Maria Brunel est née à Marseille le 16 Octobre 1890 dans le quartier des Chartreux, elle passe son enfance à Aix puis à Mane dans les Basses Alpes, brillante élève de l'école normale d'institutrices de Digne, Maria est nommée en 1909 institutrice à Certamussat, ce village dominait l'étroite route montante en direction de l'Italie via le col de l'Arche. En contrebas coule un torrent impétueux l'Ubayette, ce village sera détruit en 1944 par les troupes allemandes.
Bulletin des annales de haute-provence no 312


Le village de Certamussat (source internet)

 Maria dira : "...Je fus nommée institutrice au hameau de Certamussat, à 1600 m d'altitude... la nuit couchée dans mon lit étroit de jeune fille, j'étais effrayée par l'énorme vacarme de l'Ubayette, torrent impétueux, menaçant..."
Maria borrély, la vie passionnée d'un écrivain de haute-provence de Paulette Borrély


Cette année 1909 Maria rencontre Ernest Borrély, lui aussi instituteur, ils se marient en 1910 et un premier enfant naît en 1911, en Septembre 1912, le couple est nommé en poste double à Saint-Paul-sur-Ubaye.




Le village de Saint Paul
"Saint Paul-sur-Ubaye, merveilleux village alpestre à 1500m d'altitude.
Sur la petite place silencieuse où était notre école, les vaches conduites par un enfant venaient s'abreuver à la fontaine. Construit à flanc de montagne, le village surplombait l'Ubaye, magnifique torrent sonore, cristallin, puissant."
Maria Borrély, la vie passionnée d'un écrivain de haute provence - Paulette Borrély

La haute vallée de l'Ubaye




Le 16 Août 1914, Ernest part au front, Maria reste seule à Saint Paul, atteint d'une douloureuse maladie d'estomac Ernest est réformé en 1915, en Septembre 1918 ils obtiennent un poste double à Puimoisson (Basses Alpes) un deuxième fils, Pierre voit le jour en 1921.




École Maria Borrély de Puimoisson (source Google maps) 

"Un certain mercredi soir, à l'entrée de la nuit, à Puimoisson, à six heures du soir...tu naissais (...) et notre maison était toute craquante de bonheur."



Enthousiasmés à la lecture "d'un de Baumugnes" Maria et Ernest organisent des soirées de lecture auxquelles ils convient les villageois. Ernest prend l'initiative de contacter Jean Giono lui-même et de l'inviter à une de ces soirées, Jean Giono accepte, l'expérience lui plait, une solide amitié va naître.

"C'était bien rigolo !!"

A Maxime Girieux et Lucien Jacques :
"Il m'est arrivé la belle aventure d'être invité par un village, le village de Puimoisson, l'instituteur avait lu "Colline", il l'a fait lire dans le village. On m'a invité, j'y suis allé...ils m'ont fait raconté "Un de Baumugnes", je lai fait, moitié en Français, moitié en Provençal, c'était bien rigolo, l'instituteur pleurait dans son mouchoir. Un succès! "

Correspondance Jean Giono- Lucien Jacques- Gallimard

A André Gide :
"Il est vrai que par ailleurs, j'ai eu la très belle aventure d'être invité par tout un village. Le village de Puimoisson. On a discuté sur "Colline" et on a passé la moitié de la nuit avec le chasseur de sangliers du cru et le berger a discuté sur les terreurs des collines..."

Correspondance 1929-1940 André Gide-Jean Giono -hors série de la revue Jean Giono 

Maria écrit à son tour à Jean Giono :
"Je me disais, quand même, ce qui peut sortir du coeur d'un homme...

Baumugnes et Giono c'est un : le pain et le vin, la vigne mûre, le rayon débordant de miel, l'arbre du mois d'Octobre si chargé de bons fruits que ses branches cassent. Un parfum d'évangile. Merci et re-merci pour Baumugnes !"
Maria Borrély, la vie passionnée d'un écrivain de haute provence - Paulette Borrély




En 1929, Maria écrit son premier roman "Sous le vent" Elle dit alors à Jean Giono :
"J'ai terminé mon roman. Sur vos suggestions, j'ai changé le titre, il se dénommera "Sous le vent", j'ai confiance."

Jean Giono recommande  le manuscrit à André Gide, celui-ci est enthousiasmé et félicite Maria :
"J'ouvrais votre manuscrit, plein de crainte et dès les premières pages vous m'avez séduit, vous m'avez 'eu' comme l'on dit aujourd'hui. Je me préparais à de la sympathie...Ah! j'étais loin du compte. C'est vraiment d'admiration qu'il faut parler."
André Gide


Entre 1930 et 1936, Maria publie successivement "Le dernier feu"  ou l'histoire d'un village bas-alpin qui meurt et "Les Reculas" ou l'histoire d'un village de la vallée de l'Ubaye qui vit sans soleil plusieurs mois durant.


En 1933 Ernest est nommé à Digne,la famille s'installe au 3ème étage d'un immeuble du Boulevard Thiers, les deux premiers niveaux sont occupés par l'Hôtel de Provence ,Maria quittera l'enseignement  en 1936, malade et fatiguée elle est mise en retraite anticipée , elle se consacrera alors à d'autres études et écrira des poèmes.



l'immeuble et l'hôtel de nos jours

Jean Giono et le couple Borrély , outre la littérature ont  un autre point en commun : Ils sont des pacifistes convaincus et engagés, une raison de plus pour que naisse entre Jean et Ernest une solide amitié qui jamais, par la suite ne se démentira.

Jean Giono et Ernest Borrély
Les Borrély sont très engagés, parti communiste puis SFIO, en 1940 la résistance s'organise et Maria et Ernest s'en rapprochent. Pendant la guerre, la salle à manger du Boulevard Thiers devient le point de chute de la résistance, Ernest est arrêté, résistant actif il deviendra après guerre le premier président du Conseil Général jusqu'à sa mort en 1959.
D'après les annales de Haute Provence N°312 et le livre de Paulette Borrély cité ci-après.

Maria ne cessera de travailler et de lire jusqu'à la fin de sa vie en Février 1963, l'enseignement religieux reçu dans sa tendre enfance l'avait rattrapée, par ailleurs le communisme auquel elle adhère cependant lui paraît peut-être manquer d'envergure... 



Et pour terminer l'histoire de cette belle amitié :

"Combien de fois, troué par tous les vents, suis-je venu me faire arrangé par Borrély-Chef! Et avec quel soin il a choisi pour moi les papiers qui laissent passer la lumière !
Le propre de Borrély est de ne pas inventer ceux qu'il aime. Il n'y a pas au monde d'oeil plus clair, il n'y a pas derrière l'oeil, de mécanique mieux huilée. Du premier coup, il vous connaît comme s'il vous avait fait, et il vous aime tel que vous êtes, avec votre somme de défauts (...)"
Jean Giono - Extrait de la préface du "dernier feu" de Maria Borrély









"Plus beau qu'un massif de roses,
Le plus beau de mes poèmes
Gît au fond de moi
Je ne dirai pas cette chose.
Le plus vrai de mes poèmes
Gît au fond de moi
Je n'ose
Le traduire, ce poème,
Au fond de moi
Plus beau qu'un massif de roses 
Je n'ose
En l'exprimant il devient prose.
Mon beau poème
Ma foi
Mon poème,
Ma joie ! 
Reste au fond de moi."
Maria Borrély


A lire :
- "Maria Borrély, la vie passionnée d'un écrivain de haute provence" - Paulette Borrély- Paroles éditions
- "Sous le vent" - Maria Borrély - Paroles éditions
- "Les Reculas"- Maria Borrély - Paroles éditions
- "Le dernier feu" - Maria Borrély - Épuisé - 

samedi 23 novembre 2013

Quand on arrive à Banon...


Banon, le village aux 1000 000 livres, le village des fromages, le village des "brindilles" et le village d'Elzéard Bouffier...


" C'est après Vachères qu'on attaque la dernière montée vers Banon. La route grimpe avec une régularité désespérante (...) L arrivée à Banon surprend. A la sortie d'un ravin, comme on s'y attendait le moins, la vue sur le bourg se dégage soudain. Ses maisons apparaissent groupées au pied des reliefs marqués. Alors, comme dit le texte : "On trottera un petit quart d'heure dans une molle cuvette ou la terre s'est affaissée sous le poids d'un couvent et de 50 maisons, et on trouvera Banon"
Dominique Le Brun - Le bâton de Colline (1)

Banon

"C'est le plateau d'Albion (...) au delà de ce plateau coule la Durance, entre Sisteron et Mirabeau. Sur les pentes qui font face à la vallée de la Durance est Banon."
Jean Giono - Provence

Banon
"C'est au village que les travaux et les jours ont toute leur noblesse"

"Quand le courrier de Banon passe à Vachères, c'est toujours dans les midi...On a beau partir plus tard de Manosque, les jours où les pratiques font passer l'heure, quand on arrive à Vachères, c'est toujours midi!
Réglé comme une horloge!
C'est embêtant au fond, d'être là au même moment tous les jours!"
Jean Giono - Regain



Porte à mâchicoulis du XIV siècle
"Je recommande aux voyageurs de monter vers le haut de la vieille ville ou pointe le clocher de l'église, ce faisant on saluera au passage la plaque Elzéard Bouffier, le héros modeste et magnifique de "l'homme qui plantait des arbres"."
Dominique Le Brun - le bâton de colline

Église désaffectée en haut du village

Maison qu'a habité Jean Giono pendant la guerre (façade verte)

Jean Giono, lisant Marianne dans les rue de Banon
(source album La Pléiade)


Et maintenant quelques curiosités locales et gourmandises pour vous donner envie de faire le détour par Banon lors de vos prochaines escapades...!!

la librairie "Le Bleuet"
Elle se situe dans une vieille maison du village, sur plusieurs étages se sont des milliers d'ouvrages, un dédale de couloirs, d'escaliers et de petites pièces qui regorgent de trésors! Suite à des difficultés financières, la librairie vient heureusement de trouver un repreneur.

Super Banon, fromages et produits de pays

Le fromage de chèvre de Banon, est avec la Lavande une production locale, il possède le label AOC.
C'est un petit fromage rond, savoureux qui pèse environ 100 grammes.



Le célèbre fromage de Banon
Après une période d'affinage, le fromage de chèvre est plié dans des feuilles de châtaignier, il y développera les arômes spécifiques au Banon. 
Il existe aussi à Banon toute une déclinaison de fromages, alors régalez vous !!


L'épicerie-charcuterie "La brindille Melchio" l'art du bien manger
C'est une charcuterie à l'ancienne de père en fils aux saveurs de la Provence.
Miels, confitures, fromages, épeautre, farine, biscuits, pâtés de toutes sortes y sont proposés.



La Brindille, c'est la spécialité de Monsieur Melchio, c'est une fine saucisse sèche qui se déguste en petits morceaux, à l'apéritif par exemple !
Elle se décline en de nombreux parfums et peut vous être expédiée. 
Pour commander : www.charcuterie-melchio.fr


Un Pastis bien frais au café de l'union...l'heure de l'apéritif

Quand Pierre Magnan partait de Manosque à vélo pour rejoindre Jean Giono au Contadour :

" Je parviens à Banon vers midi. Je m'offre à l'hôtel un repas plantureux ou je laisse la moitié des 20 francs du patron. Je reprends plein d'entrain, mais les jambes coupées, le chemin du Contadour."
Pierre Magnan - Pour saluer Giono


L'hôtel restaurant Les Voyageurs, une bonne table,
Une belle terrasse et de beaux plateaux de fromages
Ou encore quand il prenait le car pour la même destination :

" A ce régime, quatre heures de car pour trente cinq kilomètres, nous arriverons à Banon, Hôtel des voyageurs, comme le clocher sonne quatre heures. Nous nous entasserons à six dans le taxi de Martel le garagiste, nos sacs sur les genoux."
Pierre Magnan - Pour saluer Giono (2)


A recommander aussi à Banon, la Boulangerie et ses délicieux sandwichs au fromage de chèvre, pour se restaurer lorsque l'on part en randonnée sur le plateau du Contadour et la Boucherie des Alpes et son étal si appétissant, toutes deux situées sur la place de la République. De quoi se régaler donc !!


Pour terminer cette belle promenade ensoleillée, une petite carte postale de... Banon !!




 A lire :
(1) Le Bâton de Colline de Dominique Le Brun, de belles randonnées pour pénétrer  différemment dans l'univers  et l'oeuvre de Jean Giono.
(2) Pour Saluer Giono de Pierre Magnan, un magnifique hommage à l'écrivain, une approche intime et pleine de tendresse et de beaux moments, notamment sur l'épisode du Contadour.

jeudi 31 octobre 2013

Hortense, où l'Eau Vive...


"Une magnifique fresque provençale"


En 1956, Jean Giono écrit en collaboration avec Alain Allioux, le scénario et les dialogues du film de François Villiers "L'Eau Vive" qui sera présenté au Festival de Cannes en 1957.
Cette histoire retrace la vie d'une famille sur plusieurs générations, dans les montagnes de l'Ubaye.
Vers 1880, Martin Fabre s'établit dans cette contrée sinistre et s'enrichit dans le commerce du bois. Ce pays sévère change cependant lorsque la Durance est en voie d'être domestiquée par le Barrage de Serre-Ponçon.
Félix, le fils de Martin a su acheter des terrains destinés à être engloutis et les revendre avec un énorme bénéfice, il a une fille, Hortense, il cache son magot, se méfiant de sa famille et bien décidé a en faire profiter sa fille, mais il meurt.
Hortense raconte à son oncle Simon, comment, après la mort de son père, séquestrée par sa famille dans la cave de la maison paternelle d'Ubaye, promise à la noyade lors de la montée des eaux du lac, elle s'est échappée et a retrouvé l'argent caché par son père dans un poste de télévision!



Film tourné en 5 ans, "L'Eau Vive", c'est à dire la Durance, est entrain de bouleverser quelques millions de vies humaines. La disparition du village de Savines, qui sera reconstruit plus loin et du village d'Ubaye  dont les habitants , très pauvres se trouvent miraculeusement enrichis par les sommes versées pour les exproprier.
Alors Jean Giono, sans prendre la peine de changer le nom des villages, sans compter même sur le recul du temps, brosse une magnifique fresque provençale.

C'est un film tourné en décors naturels, sur les lieux mêmes de l'action, à la saison exacte, d'une authenticité scrupuleuse, une senteur particulière, celle-là même de la chaude terre provençale.
G.M. Tremois - Radio Ciné






Joséphine 
"Il va falloir que nous déménagions tous à Savines, moi comme les autres. Tu sais bien que Savines va être noyée."
Simon 
"On en a parlé. De là à ce que ça se passe."
Joséphine 
"Ça se fait. La preuve, c'est qu'on a commencé à nous payer pour qu'on s'en aille. Je connais cinq familles qui sont déjà parties. Tu regardera demain matin en passant dans la grande rue. Les volets sont clos. On dirait des maisons de morts. Quand la moitié seulement des maisons de Savines auront fermé leurs volets comme celles-là, on se croira revenus au temps du choléra."
Simon 
"Et l'usine, Joséphine?"
Joséphine 
"L'usine comme le reste, avec sa grande cheminée et toutes ses machines, la gare avec son horloge et sa sonnette. L'église avec ses cloches, l'école avec ses bancs, la mairie avec sa Marianne, le cimetière avec ses croix."
Simon 
"Tu exagère, Joséphine. Avant que l'eau n'arrive, on vous donnera le temps de déménager vos cloches et votre Marianne."
Joséphine 
"Savoir quand l'eau viendra?"
Simon 
"Il y a des ingénieurs qui sont payés pour le savoir ma belle!"


Savines, avant la démolition (source internet - site de la mairie de Savines)



Jean Giono, au premier plan, de dos
 sur le tournage de l'Eau Vive (source internet INA.fr)
Hortense 
"Regarde, Oncle, tous ces camions. Ils ont des roues comme des meules de blé. Ils vont nous écraser nos moutons. Ils vont nous les tuer l'Oncle."
Simon 
"On ne tue pas les moutons, Grenouille, on les mange."
Hortense  
"J'ai peur, l'Oncle."
Simon 
"Peur, mais de quoi, Grenouille?"
Hortense 
"De tout. Des roues, des hommes avec leurs casques, des camions qui sortent de la montagne, des tunnels avec leur nuit au fond, des montagnes toutes nues qu'ils sont entrain de gratter. Tout tremble. C'est du bruit. C'est la guerre, l'Oncle."


Hortense (Pascale Audret) et Simon (Charles Blavette)
 sur un Euclid  (1) (source Radio ciné)

Hortense  était prisonnière dans la cave de sa maison d'Ubaye au moment de la montée des eaux. Sauvée in-extremis , elle a retrouvé l'argent caché par son père dans le poste de télévision. Alors une nouvelle vie va pouvoir commencer...

Simon 
"Qu'est-ce que tu avais dans la tête?"
Hortense 
"On aurait un troupeau. On achèterait une bergerie."
Simon 
"Bergerie, bergerie. Ce serait vite fait, mais ici dans la Crau, dans un pays que tu ne connais pas. Il y en a à vendre. Je pense à une : si tu as deux millions , elle est à toi."
Hortense 
"J'en ai trente!"
Simon 
"Il faudra évidemment un peu la requinquer, comme toi, et, tu verras, elle sera belle comme toi. Cette Crau, avec son peu d'herbe et son trop de pierres, il a suffi jusqu'à présent qu'on l'aime et elle a vécu. Elle a survécu à sa misère."
Hortense 
"Nous monterons à la montagne tous les ans."
Simon 
"Nous monterons à la montagne si tu veux revoir le pays ou tu es née. Parce que l'herbe que nous allions chercher là-haut, on dit que la Durance va nous l'apporter ici, à domicile..." 



Hortense et son oncle Simon - Photo extraite du film (source internet)

"Elle va mettre du limon sur ces terres désertes. Les arbres vont pousser, les vergers vont s'aligner. Cette terre va devenir un pays aimable. Tu l'aimeras comme ton père a aimé l'ancien pays qui est maintenant sous les eaux..." Jean Giono - l'eau vive





La vallée de la Durance en aval du barrage, à hauteur de Rémollon
"Les arbres ont poussé, les vergers se sont alignés. Cette terre est devenue un pays aimable..."



(1) "Les Euclid" - Ballet incessant d'énormes semi-remorques importés des États Unis, marteaux piqueurs, pelles mécaniques et bulldozers.
Le gigantisme de ce chantier est comparable à une fourmilière humaine, le chantier emploiera 2000 à 3000 ouvriers de jour comme de nuit.
(2) Film dont les dialogues sont de Jean Giono est sorti en DVD en avril 2013 - François Villiers - réalisateur, avec Pascale Audret dans le rôle d'Hortense et Charles Blavette dans le rôle de l'oncle Simon et bien sûr dans le rôle principal le chantier titanesque de Serre-Ponçon!

dimanche 27 octobre 2013

Serre Ponçon, La Durance et l'Ubaye maîtrisées, des villages sacrifiés...


Des villages engloutis...


A la construction du barrage, plusieurs villages situés dans la vallée de la Durance et de l'Ubaye sont amenés à disparaître, toutes les constructions situées à une altitude inférieure à 780 m seront détruites, c'est le triste sort de Savines, Ubaye, Ile du Rousset et autres hameaux.
Savines sera reconstruit, Ubaye disparaitra...


"On commença à parler d'une entreprise qui devait transformer toute la vallée de la Durance jusqu'à Savines et celle de l'Ubaye jusqu'à Ubaye. C'était là, une idée folle. Il s'agissait d'établir un barrage sur la Durance à l'endroit appelé Serre-Ponçon, où deux contreforts de montagnes resserrent la vallée. Ce barrage ferait s'établir un lac par la retenue d'eau de la Durance et de l'Ubaye.
Le projet prévoyait que les villages d'Ubaye et de Savines seraient engloutis par les eaux. C'était, parait-il, pour faire de l'électricité.(...) Il eut bientôt la certitude que le projet allait être mis en chantier, il attendait la confirmation d'une autre série de conversations aussi innocentes que les premières. Enfin il fut tout à fait renseigné.
Rien n'avait changé encore, ni à Ubaye, ni à Savines, ni à Serre-Ponçon. C'était toujours des lieux sauvages et paisibles."
Jean Giono - L'Eau Vive

Savines avant la démolition

Sur le côté, les premières maisons de Savines s'offrent à notre regard. La plupart sont déjà démolies. Au pied du nouveau pont, une statue de bronze qui sera elle aussi immergée représente la République. A son bras les habitants ont accroché un drapeau tricolore.
F. Baussan - Le Méridional





Le 3 Mai 1961, le nouveau pont de Savines
et le dynamitage de l'ancienne église (paris-Match)


L'abbé Ferraro fit la une des journaux, après avoir vu son église disparaître il récupèrera la croix du clocher dans les décombres.
Source Paris-Match



La chapelle Saint Michel, située non loin de Savines, devait elle aussi, disparaître, mais à la dernière minute on décide de la conserver , puisqu'elle est au dessus de la côte maximale du lac. Elle est désormais installée sur une île.
D'après source Muséoscope du Lac


La Chapelle Saint Michel,au début de la mise en eau du barrage
Et après ...
Peuplé d'environ 180 habitants, Ubaye est à mi-chemin entre Gap et Barcelonnette. Contrairement à Savines, Ubaye n'a pas été reconstruit, il a disparu sous les eaux, le film l'Eau Vive écrit par Giono raconte cette histoire inspirée de la création du barrage.

Démolition de l'église d'Ubaye par un bulldozer
"Ils vont raser nos maisons. Ils n'en veulent pas au fond de leur lac. Ils disent qu'on les verrait et que ça ferait mauvais effet. Tu sais jusqu'où il va leur lac ? Jusqu'à la porte du cimetière !!"
Jean Giono - L'Eau Vive


Les habitants ne voulant pas que leur cimetière disparaisse sous les eaux, décident de le déplacer et le remonte pierre par pierre, il se trouve sur la route entre Barcelonnette et le Sauze-du-lac.



Le cimetière d'Ubaye déplacé sur les rives du lac. 


Stèle à la mémoire du village
Joséphine 
"Et toi, Hortense, à Ubaye? Ça va être noyé aussi à Ubaye? Qu'est-ce qu'il en dit ton père?"
Hortense 
"Il dit comme vous, tante, que ça va être noyé".
Jean Giono - L'Eau Vive




Serre-Ponçon avant la mise en eau
La mise en eau du  barrage s'est effectuée en 18 mois. Elle a débuté en Novembre 1959. Le lac a atteint sa côte maximale de 780 mètres le 18 Juin 1961.
Source Muséoscope du lac

dimanche 20 octobre 2013

La grande épopée du barrage de Serre Ponçon...


"La Durance, elle, s'est arrêtée à Serre Ponçon,  contrainte,  forcée par l'homme et désormais prisonnière d'un barrage d'une capacité de 1270 millions de mètres cubes".


Le barrage de Serre Ponçon

 L'idée d'un barrage sur la Durance remonte à l'année 1856. C'est en 1912 qu'Ivan Wilhelm, ingénieur des ponts et chaussées d'origine russe, publie un ouvrage ou il montre la nécessité de réguler le cours de la rivière. Il ne verra jamais la réalisation puisqu'il meurt en 1951 et les travaux débutent en 1955 et vont durer 54 mois jusqu'en 1961. Le barrage est fait d'une digue de terre compactée, de 650m d'épaisseur à la base avec un noyau central d'argile, le premier exemple de ce type en France.Source Muséoscope du lac -Espinasses (1)

Il disait en 1909 :
" Nous pourrons, dans une dizaine d'années, contempler un des plus grands barrages du monde et admirer le lac artificiel qui constituera une attraction peu ordinaire, dans un site sauvage et grandiose. Nombreux seront les touristes qui viendront parcourir les rives ou naviguer sur les eaux bleues dans lesquelles se mirent les hautes cimes du Morgon et du Colbas"
Ivan Wilhelm - La Durance 1909

Croisière sur le lac 
Entre ciel et terre, le belvédère du Sauze-du-lac
En perspective, la grande digue, le bassin et le canal EDF

" Les eaux du Lac de Serre Ponçon recouvrent désormais le confluent de la Durance et de l'Ubaye, rivière montagnarde dont les flots se noient discrètement dans le grand réservoir".
C. Gouron - H. Vesian - Serre Ponçon, Voyage photographique



La branche Ubaye du lac vue du belvédère de Saint Vincent-les-Forts 


L'Ubaye à Barcelonnette

Et puis, il y a Embrun, la majestueuse, bien établie sur son Roc, protégée par ses montagnes  et dominant la Durance, c'est une jolie cité discrète et secrète à l'âme déjà provençale, toute ensoleillée, fontaines, placettes, façades colorées, ruelles ombragées, terrasses avenantes, tout y est ! Elle dispose grâce au lac d'une grande base de loisirs et d'un plan d'eau très prisés des touristes. Il y fait bon vivre.


Embrun posée sur son rocher


"Ce fut d'abord, la ville elle-même, allongée sur son roc en forme de navire, déroulant de la proue à la poupe la théorie de ses maisons blanches ou grises, trouant l'azur d'un mat de pierre qui est la flèche de sa cathédrale, au repos dans un espèce de golfe immense tout hérissé de vagues qui dorment."
Clovis Hugues - Le temps des cerises 1948


La place de la mairie d'Embrun
Un jour de marché


jeudi 3 octobre 2013

Histoire de la Durance, cette "Eau Vive"...


"Ce n'est pas qu'elle soit méchante, mais pour elle le bien et le mal, c'est pareil" Jean Giono


La Durance prend sa source dans les flancs de la montagne à l'ubac de Montgenèvre et se jette dans le Rhône au sud d'Avignon. Elle est considérée comme une rivière capricieuse et dévastatrice.


La Durance à Embrun

"La Durance a mordu de ses eaux amères la grande montagne des Alpes : Elle a scié les granits, elle a désagrégé les grès, elle a fondu les terres, emporté des arbres, les prés, les débris de ponts, une ferme ou deux avec les petits au berceau.
De tout cela, elle a fait son lit : La plaine. Elle l'a tassée durement en la battant de sa queue grise ; la terre a eu peur.
Jean Giono - Manosque-des-plateaux



La plaine de la Durance vue du plateau de Ganagobie
au fond, le plateau de Valensole

"Un petit ruban de terre, entre les collines et les bois fous de la Durance, ça peut avoir dans les 100m  de large aux bons endroits.
D'un bord, l'eau, et quelle eau !! La rage des montagne, de l'autre les collines et quelles collines !! le plateau de Valensole , des rochers, des épines, comme pour monter au ciel."
Jean Giono


La Durance à hauteur de Lurs
"Les bois fous de la Durance"
Jean Giono au bord de la Durance -photo Album Giono - L a Pléiade

Cette rivière est aussi une voie de transport pour le commerce du bois du Moyen âge au dernier quart du 19e siècle. Les troncs d'arbres sont abattus dans les forêts de sapins, mélèzes et épicéas, sont ensuite assemblés entre eux par des liens végétaux pour constituer des radeaux.
Des hommes de métier, nommés radeliers, fabriquaient puis conduisaient ces embarcations de Saint Clément sur Durance jusqu'au Rhône.
C'est l'arrivée du chemin de fer qui mit fin à cette activité.
Muséoscope du lac - La formidable histoire de la construction du barrage de Serre Ponçon



La fête des radeliers à Embrun (1)

-"Ecoute, dit Matelot, c'est pressé. Tu as regardé l'eau aujourd'hui?
-Oui, et tout hier.
- Du côté du grand courant?
- Oui.
- Tu as vu passer nos arbres?
- Non.
- Sûr?
- Sûr. 
- Tu peux dire avec moi, Antonio. Je suis vieux mais j'attends tout. Ne dis pas non si c'est oui.
- C'est non.
- Des troncs de sapin. La marque c'est la croix. J'ai toujours donné l'ordre qu'on les marque des quatre côtés. Même si ça roule on doit voir. C'est toujours non?
- C'est toujours non, dit Antonio."
Jean Giono - Le chant du monde


Base de loisirs d'Embrun
Les radeliers ont formé un pont avec les radeaux pour traverser la Durance




- "Il est parti quand?
- A la lune de Juillet.
- Il en avait pour combien?
- Deux mois en comptant large.
- Deux mois pour toi, dit Antonio.
- Deux mois pour lui aussi, dit Matelot. Je le connais. Je fais pas fond sur lui parce que c'est mon fils, je sais comme il travaille. Il devait couper cinquante sapins.
- Où?
- Au pays Rebeillard (2), cinq jours de l'autre côté des gorges. Il devait faire le radeau et descendre avec. C'est pour ça."

(...)

- "Qu'est-ce que tu crois? dit Antonio.
- Je cherche pas à croire, dit Matelot, ce que je sais c'est qu'il a coupé les arbres, fait le radeau et qu'il a du le flotté.
- Alors?
- Peut-être noyé, je pensais."
Jean Giono - Le Chant du monde


(1) La fête des radeliers d'Embrun a lieu en été (Voir OT d'Embrun)
(2) Le pays Rebeillard : Pays né de l'imagination de Jean Giono et qui ne serait rien d'autre que le Trièves (au nord du col de la Croix haute, le pays de Lalley) et toujours dans son imagination, les gorges seraient celles du Verdon  et le 'Fleuve', le Buëch. Tout est dit, tout est inventé...