J'aurais aimé...

J’aurais aimé Manosque et la Provence comme berceau de mon enfance !
J’aurais aimé séjourner au Paraïs !
J’aurais aimé avoir 20 ans au Contadour pour vivre la grande aventure ! Lire la suite...
Affichage des articles dont le libellé est Laurent de Théus. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Laurent de Théus. Afficher tous les articles

lundi 16 juin 2014

Le Hussard sur le toit ... La maladie, l'amour et le renoncement - Episode 5 et fin


Quelques heures plus tard Pauline s'effondre touchée à son tour par le choléra...



"Elle le regardait d'un air stupide. Avant qu'il crie : "Qu'avez-vous? Pauline!" Elle eut comme un reflet de petit sourire encore charmant et elle tomba, lentement, pliant les genoux, courbant la tête, les bras pendants."


Pauline, le visage déjà déformé par la maladie...

Désormais Angelo est seul, furtivement il repense aux gestes du "petit français", à tous ces corps, désarticulés, cyanosés, violacés, aux yeux révulsés, à tous ces morts souillés par les vomissements ... Il sait ce qu'il doit faire, il sait qu'il n'y a pas une seconde à perdre, il doit ramener Pauline à la vie... Il lui faut la  déshabiller, la frictionner, la réchauffer, il luttera toute la nuit avec une énergie désespérée afin de faire refluer le mal qui la terrasse, il la soignera avec tendresse et acharnement :






"Il tira les bottes de la jeune femme, les jambes étaient déjà raides (...)  les joues s'étaient creusées et palpitaient. Il se mit à frictionner de toutes ses forces les pieds glacés, Il fallait déshabiller Pauline. Il recommença à frictionner. il sentait le froid fuir de ses doigts et monter dans la jambe. Il souleva les jupes. Un main de glace saisit sa main. "J'aime mieux mourir "dit Pauline.(...) Il se débarrassa de la main avec brutalité et arracha les lacets qui nouaient la jupe à la taille (...) Il ne cessait pas de frictionner. (...) Il avait frictionner avec tant de vigueur et si longtemps qu'il était rompu de fatigue et douloureux.





"Il faut lui faire boire du rhum par force" se dit-il (...) Il versa le rhum peu à peu. La déglutition ne se fit pas tout de suite, puis l'alcool disparut comme de l'eau dans le sable.


"La cyanose semblait avoir pris du repos (...) la jeune femme respirait faiblement (...) les gémissements s'étaient tus.(...)Il tira avec précaution la jeune femme le plus près possible du feu. (...) Enfin il eut toute une série de petites pensées très colorées, de lumières très vives dont quelques-unes étaient cocasses et risibles et à bout de force, il reposa sa joue sur ce ventre qui ne tressaillait plus que faiblement, et il s'endormit.

"Une douleur à l'oeil le réveilla ; il vit rouge, ouvrit les yeux. C'était le jour.(...) Une main fraîche toucha sa joue.

"C'est moi qui t'ai couvert, dit une voix. Tu avais froid"
(...) "J'ai dormi, se dit-il, mais à haute voix et d'un ton, lamentable.
-Tu étais à bout de force" dit-elle.
(...) T'es-tu désinfecté? dit soudain la jeune femme.
- Certes, dit Angelo, ne vous inquiétez pas"
(...)"Donne-moi la main" dit Pauline.
Il donna sa main ouverte où la jeune femme mit la sienne.



" Je suis en avance d'une nuit sur la mort dit Angelo, et elle ne m'attrapera pas."

Après avoir pris du repos, Angelo s'en va sur le chemin à la recherche d'une voiture pour transporter Pauline, encore très faible, à Théus.

"On va vous transporter en voiture. Vous serez ce soir à Théus"


Le château de Théus dans le film ( celui de Menthon Saint Bernard en Haute-Savoie)

Le village de Théus dans les Hautes Alpes, domine le lac de Serre-Ponçon
 Il est célèbre pour ses demoiselles coiffées (1)
(le château a aujourd'hui disparu)

"Ils arrivèrent à Théus deux jours après, sur le soir. Le village dominait la vallée profonde de très haut (...) Le château dominait le village. Il y avait de nombreux escaliers pour passer de terrasse en terrasse, toutes rustiques et sans apprêt, pour tout dire fort sévères et qui plurent à Angelo."

A partir de là, deux fins sont possibles, celle du texte de Jean Giono et ... la mienne, avec l'aide de Jean Paul Rappeneau.
Le roman appelle une suite que malheureusement Jean Giono n'a pas écrite, c'est donc à nous lecteurs d'imaginer le futur de ces deux magnifiques personnages. Et quand cela nous arrange, c'est très facile à imaginer...


La fin selon Jean Giono :


Dans les dernières pages de son roman, Jean Giono se soucie peu de Pauline, c'est Angelo qui mène l'histoire vers sa fin. Celui-ci ne rencontre pas l'époux. Il part sans se retourner pour se battre en Italie, il semble apaisé, libre et heureux. Quand à Pauline que devient-elle ??

"Il ne se déroba pas à ses promesses. Il donna son bras à la jeune femme. Le marquis n'était pas ici. On n'en avait aucune nouvelle."

"Un maquignon de Remollon vint présenter en bas des terrasses quatre ou cinq chevaux parmi lesquels se trouvait une bête très fière qu'Angelo acheta d'enthousiasme."

"Chaque soir Pauline mit une robe longue. Son petit visage que la maladie avait rendu plus aigu encore, était lisse et pointu comme un fer de lance et, sous la poudre et les fards, légèrement bleuté. 
- "Comment me trouves-tu? " dit-elle
- "Très belle".

"Le matin du départ, Angelo rendit tout de suite la main au cheval qu'il avait lui-même nourri d'avoine. Il pouvait être fière de cette allure. Il voyait venir vers lui au galop les montagnes roses, si proches qu'il distinguait sur leur flanc bas la montée des mélèzes et des sapins.
"L'Italie est là derrière", se disait-il."Il était au comble du bonheur."

C'est l'accomplissement d'un amour impossible et inévitable, leur relation restera chaste, seul le tutoiement de Pauline nous montre soudain l'intensité de leur amour mais Angelo raccompagne sagement Pauline auprès de son époux Laurent et repart se battre en Italie.

L'autre fin...


Dans le film, c'est Pauline qui mène l'histoire vers sa fin, on espère alors le retour d'Angelo. Un échange épistolaire nous le suggère ... Et nous laisse à penser que Pauline et Angelo se retrouveront plus tard.






Pauline retrouve son époux, celui-ci ne se trompe pas, il a compris bien avant Pauline que si un jour elle décidait de rejoindre Angelo, il ouvrirait sa main et la laisserait partir...(source internet)




Par son côté romantique à souhait, cette fin me convient tout à fait, elle évoque tout en subtilité une suite que Jean Giono aurait pu et aurait dû nous écrire!


Même si je n'apprécie pas et si je ne comprends pas du tout la fin écrite par Jean Giono "Le Hussard sur le toit" reste une grande oeuvre, intense et une belle histoire d'amour, la description très réaliste du choléra et le destin insolite de ces deux êtres faits l'un pour l'autre nous font traverser cette Provence écrasée de soleil et vibrante de chaleur . Ces beaux personnages courageux et dotés d'une belle âme se déplacent dans ce pays rude et sublime touché de plein fouet par la maladie et nous emportent au gré de leurs aventures.

Alors, on peut dire comme je l'ai lu récemment que Jean Giono "fait chanter sa plume !!".

Tous les textes en italique de cet article sont extraits du "Hussard sur le toit" de Jean Giono

(1)Les demoiselles coiffées de Théus : ce sont des sculptures minérales et un site géologique exceptionnel.

Les demoiselles coiffées de Théus

lundi 28 avril 2014

Le Hussard sur le toit.. Le bonheur fou d'une rencontre...Épisode 3

"Je suis arrivé dans cette  ville, il y a trois ou quatre jours dit Angelo, j'ai failli être écharpé comme empoisonneur de fontaine... Alors j'ai gagné les toits. C'est là haut dessus que j'ai vécu depuis."

Elle avait écouté sans bouger d'une ligne, cette fois le silence fût un tout petit peu plus long. Puis elle dit :"Vous devez avoir faim, alors ?...Entrez !



"Je suis navré, dit-il.
- De quoi êtes-vous navré ? dit la jeune femme qui était en train d'allumer la mèche d'un petit réchaud à esprit-de-vin.
- Je reconnais que vous avez toutes les raisons du monde de vous méfier de moi.
- Où voyez-vous que je me méfie, je vous fais du thé."
(...) "Le thé était excellent. A la troisième cuillerée de pain trempé, il ne pensa plus qu'à manger avec voracité et à boire ce liquide bouillant."





Rassasié, Angelo demanda la permission de se réfugier pour la nuit dans le grenier en faisant promesse de l'avoir quitté le lendemain matin à la première heure.





Angelo quitte la ville sans avoir retrouvé Guiseppe, il ne sait pas ce qu'est devenue Pauline, ils n'ont pas quitté Manosque ensemble, pourtant ils se retrouveront bientôt pour faire route à deux, leurs chemins vont se croiser et se défaire sans fin.

Obligés à fuir, les habitants de Manosque se sont réfugiés dans les collines :

" Les collines s'arrondissaient en cirque. Sur les gradins, toute la population de la ville était rassemblée comme pour le spectacle d'un grand jeu. Elle bivouaquait sous les vergers d'oliviers, les bosquets de chênes, dans la broussaille des thérébinthes. Des feux fumaient de tous les côtés."

"Angelo traversa le bois de pin. Quelques familles s'étaient installées à l'abri des arbres. Elles restaient groupées, à l'écart les unes des autres et silencieuses".

Angelo, toujours à la recherche de Guiseppe interroge les habitants, quand soudain...

"Il recommença à dire qu'il cherchait un nommé Guiseppe, mais cette fois on lui répondit  :
"Si c'est ça, c'est facile ; amène-toi. Je vais te conduire."

"Guiseppe habitait une belle hutte de roseaux (...) dès qu'Angelo passa dans la lueur des flammes, il cria de là-bas dedans :
"Ah voilà enfin le fils de sa mère ! "

"Guiseppe avait remis avec beaucoup de cérémonie à Angelo une lettre d'Italie (...) C'est de ta mère..."




Angelo et Guiseppe attablés dans les collines

Après avoir longuement conversé, ils décidèrent de rentrer en Italie chacun de son côté, Angelo passerait par le Vaucluse et la Drôme afin d'éviter la maladie, les barrages et les quarantaines.








En chemin, Angelo croise Pauline qui tente de rejoindre le domaine de Théus, près de Gap où l'attend son époux Laurent... Dorénavant, ils vont faire route ensemble...
Ils vont traverser cette Provence ravagée par le choléra et vont rapidement comprendre que leur  seule chance de survie c'est d'être solidaires...

" - Vous allez bien quelque part ?
- En principe oui. Je vais chez ma belle-soeur qui habite dans les montagnes, au dessus de Gap.
- C'est ma route, dit Angelo. Je rentre en Italie.
- Vous êtes italien ?
- Cela ne se voit pas ?"




Et l'aventure continue, il faut maintenant affronter les soldats...

" Ils firent sous bois une longue traite très rapide, prenant plusieurs chemins de traverse et même pataugeant dans l'eau d'un ruisseau pendant plus d'une demi lieue,(...) une demi heure après, ils débouchèrent en plein champ"





"Les soldats frappèrent de tranche en criant comme des rats mais Angelo leur releva vertement les lames et en quelques voltes fort habiles les plaça tous les deux à sa main. Il prit voluptueusement le temps de dire d'une voix de salon :
"Faites-moi la grâce, madame, de galoper droit devant vous. Je vais donner une petite leçon de politesse à ces jean-foutre."

Débarrassés des soldats, ils passent la nuit à l'abri des arbres. Au petit matin Pauline dort encore et Angelo veille sur elle. Il s'éloigne pour chercher de l'eau quand il entend un coup de feu :



"La jeune femme était debout, pâle comme une morte, un pistolet à la main. 
"Sur quoi avez-vous tiré ?"
Elle fit une horrible grimace de rire pendant que les larmes inondaient ses joues (...) La jeune femme soupira...
"J'ai tiré sur l'oiseau. (...) il m'a frappée du bec ici"
Elle avait, assez près de l'oeil, une petite écorchure. 
Angelo se dit : "Ce charognard avait certainement du choléra plein le bec. Est-ce que la maladie peut se transmettre de cette façon ?"Il était atterré.
Il fit boire de l'alcool à la jeune femme. (...) Il désinfecta soigneusement le petit point rouge, à la vérité peu de chose, juste la peau éraflée.
Foutons le camp, dit-il."





"Ils montèrent dans des escarpements, puis à travers une maigre forêt. Le jour était bleu sombre."



(...)"Au-delà des sapins clairsemés, la montagne se développait en pâtures déjà rousses. On apercevait aussi la ligne de crête et les arbres énormes, sans doute des hêtres qui régnaient là-haut."


 Montagne de Lure, au Pas de la Graiile, en fond, les Alpes
"Ils dominaient un labyrinthe de ravins boisés, une vaste étendue de toitures de montagnes. Ce canton avait l'air d'être un peu plus forestier que celui qu'ils venaient de traverser mais portait nulle trace de vie."


"Le chemin les promenait à travers les bois noirs et les landes pâles, les approchait lentement des grands hêtres solitaires  dont ils avaient le temps de voir monter et s'épanouir toute l'architecture barbare."



Ce que Jean Giono appelle...L'architecture barbare...

Désormais donc, ils font route ensemble, Pauline se rendra à Montjay chez Monsieur Peyrolle le notaire et grand ami de son époux, celui-ci lui apprendra que Laurent de Théus est à sa recherche. Malgré l'inconfort et le danger permanent ils iront au bout de leur quête...

"Ils arrivèrent à Montjay sur le pas de la nuit. Quelques grosses gouttes de pluie commençaient à claquer. Ils étaient fatigués."


Bientôt la quarantaine menace...

Tous les textes en italique de cet article sont extraits du "Hussard sur le toit" de Jean Giono.