J'aurais aimé...

J’aurais aimé Manosque et la Provence comme berceau de mon enfance !
J’aurais aimé séjourner au Paraïs !
J’aurais aimé avoir 20 ans au Contadour pour vivre la grande aventure ! Lire la suite...
Affichage des articles dont le libellé est Guiseppe. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Guiseppe. Afficher tous les articles

lundi 25 mai 2015

A Manosque, sur le chemin de la Thomassine ...





Encore et toujours , suivons le bon guide en la personne de Jean-Louis Carribou (1)! C'est toujours un plaisir de mettre nos pas dans les siens et par la même occasion dans ceux de Jean Giono !!




Marcher un livre à la main !!

C'est sur la colline de la "Thomassine" que nous allons nous promener...


 ..."Le véritable trésor de Manosque est sa beauté . Beauté difficile à définir, si elle subjugue néanmoins d'un coup. Tout ce qu'on trouve ici, cent villes de Provence le possèdent : lumière et soleil, patine des crépis et des argiles, oliviers gris, cyprès, collines rousses : le catalogue n'a rien d'exceptionnel. Ce qui l'est, c'est l'ordre dans lequel ces éléments sont composés."
Jean Giono - Provence



Sur le chemin de la Thomassine


"La colline d'Espel et celle de la Thomassine barrent la route au vent du nord. C'est le mouvement même du ciel qui les a modelées. Leur flexible ligne de crête laisse passer dans le creux de sa houle cet air vivant, gloire de la haute Provence, fruit des lavanderaies, ce vent acide et fondant comme un sorbet dont les hommes nés sur cette terre ne peuvent plus se passer et qui les poursuit de nostalgie, où qu'ils aillent. Qui respire ce vent apprend une nouvelle volupté."
Jean Giono - Provence




Le cyprès, "arbre beau chanteur"

Le cyprès 'beau chanteur'

"Dans les collines, il y a toujours cet arbre à côté des fermes ; vous savez pourquoi, vous?
- Ah, mon bon monsieur, moi, je sais, je vais vous dire.(...) de mon temps, on plantait le cyprès, vous savez pourquoi? Parce que c'est un arbre beau chanteur. (...) C'est profond, c'est un peu comme une fontaine, tenez. (...) Ici on ne pouvait pas se payer le luxe de faire couler tant et plus . Ici, on mesurait l'eau à la burette.(...) Donc, pour remplacer la fontaine on plantait un cyprès au bord de la ferme, et comme ça à la place de la fontaine d'eau on avait la fontaine de l'air avec autant de compagnie, autant de plaisir."
Jean Giono - Solitude de la pitié


La maison de la Biodiversité (2)


Terrasse des eaux vives et des oliviers
Terrasse belvédère, au fond, les vignes
Le sentier s'élève doucement à l'arrière de la Thomassine au milieu des pins et des chênes verts. Nous laissons sur le côté la ruine d' un aqueduc qui paraît-il alimentait autrefois Manosque en eau.



"L'aqueduc dont le canal vide charrie le vent..."


L'aqueduc


"Cette terre qui s'étend, large de chaque côté, grasse, lourde, avec sa charge d'arbres et d'eau, ses fleuves, ses ruisseaux, ses forêts, ses monts et ses collines (...) avec de la force et des méchancetés? (...) avec de la vie!  La vie c'est des mouvements, c'est des soupirs... La voix de l'aqueduc et le chant des arbres."
Jean Giono - Colline



Le vallon




C'est dans ces collines au dessus de Manosque qu'Angelo recherche "malgré le vol des corneilles et le soleil fou" son ami Guiseppe réfugié après avoir fui la ville et la maladie : 


"Vous avez dû vous rendre compte qu'il n'y a plus personne en ville. (...) tout le reste est allé s'installer dans les champs, au grand air, dans les collines avoisinantes.(...) Sur les gradins, toute la population de la ville était rassemblée comme pour le spectacle d'un grand jeu.
(...) Le spectacle était si incongru qu'Angelo s'était arrêté.
(...) Il alla négligemment s'asseoir au pied d'un pin. Il s'adossa au tronc. (...) En bas de la colline était la ville : une carapace de tortue dans l'herbe. (...) Plus loin, serpentant à plat, une Durance de pierre et d'os, sans une goutte d'eau.

"Ces réflexions lui donnèrent beaucoup de tranquillité et il continua à monter dans la colline..."





"- Tu connais le chemin?

- Je connais un chemin que personne ne sait. Et qui y va franc.(...)
Jean Giono - Le Hussard sur le toit


Nous serpentons au milieu des amandiers, vergers et pins de toutes sortes, le chemin monte toujours.


Ça grimpe !

 A l'endroit nommé "Arborea" - il s'agit du lieu où ont été plantés par des enfants 1000 cèdres en hommage à Jean Giono pour commémorer le centenaire de sa naissance - on ne peut  s'empêcher de penser à  la belle fable de "L'homme qui plantait des arbres"!!












"Après le repas de midi, il recommença à trier sa semence. Je mis je crois, assez d'insistance dans mes questions puisqu'il y répondit. Depuis trois ans il plantait des arbre dans cette solitude. Il en avait planté cent mille, vingt mille étaient sortis. Sur ces vingt mille , il comptait encore en perdre la moitié, (...) restaient dix mille chênes qui allaient pousser dans cet endroit ou il n'y avait rien auparavant."

"Il avait jugé que ce pays mourait par manque d'arbres. Il ajouta que, n'ayant pas d'occupations très importantes, il avait résolu de remédier à cet état de choses."

" Je lui dit que dans trente ans, ces dix mille chênes seraient magnifiques; Il me répondit très simplement que, si dieu lui prêtait vie, dans trente ans, il en aurait planté tellement d'autres que ces dix mille seraient comme une goutte d'eau dans la mer."
Jean Giono - L'homme qui plantait des arbres"



Le col de la Mort d'Imbert sur les hauteurs de Manosque (source internet)


Nous sommes toujours sur la colline de Pétavigne, nous empruntons la piste forestière en direction du col de la mort d'imbert , la montagne de Lure nous apparait soudain, toute bleue, barrant l'horizon et comme chaque fois c'est un grand coup au coeur devant tant de beauté.
Débouchant sur la crête, c'est en panoramique que tout le Haut Pays se déroule sous nos yeux émerveillés ...



Soudain la montagne bleue barre l'horizon
"Alors, un beau matin, sans rien dire, la colline me haussa sur sa plus belle cime,  elle écarta ses chênes et ses pins, et Lure m'apparut au milieu du lointain pays.
Elle était vautrée comme une taure dans un litière de brumes bleues."
Jean Giono - Présentation de Pan



Sur la colline, la bouche sombre et béante d'une grotte



"Le bonheur fou" de randonner


Nous avons longé la crête et fait le tour de cette colline, nous retrouvons les cèdres de Giono qui côtoient d'autres espèces et prenons un petit sentier bien agréable et ombragé pour redescendre doucement vers notre point de départ et retrouver la Thomassine.(3)










"L'admirable monde"



"Je les vois tous : ici, ce sont des chênes, des bouleaux, des érables ; (...)plus loin les châtaigniers, des peupliers, plus loin des pommiers - et ils sont régulièrement plantés dans une terre verte - plus loin encore des pins aroles, puis les gros chênes qui commencent à escalader les pentes de l'autre côté, puis les sapins, puis les mélèzes, des pâturages bordés de pruniers bleus, puis le grand corps sombre de la forêt."
(...)" Je marche plus vite que mon pas et je suis partout à la fois, et toutes les odeurs je les sens, toutes les formes je les touche."
Jean Giono -Les vraies richesses

"Devant moi, une terre rase montait vers un sommet qui me paraissait être
LA  JOIE ..."
Jean Giono -Les vraies richesses - préface aux Contadouriens.







(1) Tome 1 - 10 balades littéraires à la rencontre de Jean Giono, collection marcher un livre à la         main , le bec en l'air  (Manosque-des-Plateaux)

(2) La Maison de la biodiversité vous invite à découvrir la diversité des fruits dans un verger, au fil de l'eau vous passerez par les jardins de roses, vignes, oliviers, figuiers et potagers de légumes oubliés-

(3) pour l'itinéraire exact et précis de cette belle randonnée, se rapporter au livre de Jean Louis Carribou balade no 3

lundi 28 avril 2014

Le Hussard sur le toit.. Le bonheur fou d'une rencontre...Épisode 3

"Je suis arrivé dans cette  ville, il y a trois ou quatre jours dit Angelo, j'ai failli être écharpé comme empoisonneur de fontaine... Alors j'ai gagné les toits. C'est là haut dessus que j'ai vécu depuis."

Elle avait écouté sans bouger d'une ligne, cette fois le silence fût un tout petit peu plus long. Puis elle dit :"Vous devez avoir faim, alors ?...Entrez !



"Je suis navré, dit-il.
- De quoi êtes-vous navré ? dit la jeune femme qui était en train d'allumer la mèche d'un petit réchaud à esprit-de-vin.
- Je reconnais que vous avez toutes les raisons du monde de vous méfier de moi.
- Où voyez-vous que je me méfie, je vous fais du thé."
(...) "Le thé était excellent. A la troisième cuillerée de pain trempé, il ne pensa plus qu'à manger avec voracité et à boire ce liquide bouillant."





Rassasié, Angelo demanda la permission de se réfugier pour la nuit dans le grenier en faisant promesse de l'avoir quitté le lendemain matin à la première heure.





Angelo quitte la ville sans avoir retrouvé Guiseppe, il ne sait pas ce qu'est devenue Pauline, ils n'ont pas quitté Manosque ensemble, pourtant ils se retrouveront bientôt pour faire route à deux, leurs chemins vont se croiser et se défaire sans fin.

Obligés à fuir, les habitants de Manosque se sont réfugiés dans les collines :

" Les collines s'arrondissaient en cirque. Sur les gradins, toute la population de la ville était rassemblée comme pour le spectacle d'un grand jeu. Elle bivouaquait sous les vergers d'oliviers, les bosquets de chênes, dans la broussaille des thérébinthes. Des feux fumaient de tous les côtés."

"Angelo traversa le bois de pin. Quelques familles s'étaient installées à l'abri des arbres. Elles restaient groupées, à l'écart les unes des autres et silencieuses".

Angelo, toujours à la recherche de Guiseppe interroge les habitants, quand soudain...

"Il recommença à dire qu'il cherchait un nommé Guiseppe, mais cette fois on lui répondit  :
"Si c'est ça, c'est facile ; amène-toi. Je vais te conduire."

"Guiseppe habitait une belle hutte de roseaux (...) dès qu'Angelo passa dans la lueur des flammes, il cria de là-bas dedans :
"Ah voilà enfin le fils de sa mère ! "

"Guiseppe avait remis avec beaucoup de cérémonie à Angelo une lettre d'Italie (...) C'est de ta mère..."




Angelo et Guiseppe attablés dans les collines

Après avoir longuement conversé, ils décidèrent de rentrer en Italie chacun de son côté, Angelo passerait par le Vaucluse et la Drôme afin d'éviter la maladie, les barrages et les quarantaines.








En chemin, Angelo croise Pauline qui tente de rejoindre le domaine de Théus, près de Gap où l'attend son époux Laurent... Dorénavant, ils vont faire route ensemble...
Ils vont traverser cette Provence ravagée par le choléra et vont rapidement comprendre que leur  seule chance de survie c'est d'être solidaires...

" - Vous allez bien quelque part ?
- En principe oui. Je vais chez ma belle-soeur qui habite dans les montagnes, au dessus de Gap.
- C'est ma route, dit Angelo. Je rentre en Italie.
- Vous êtes italien ?
- Cela ne se voit pas ?"




Et l'aventure continue, il faut maintenant affronter les soldats...

" Ils firent sous bois une longue traite très rapide, prenant plusieurs chemins de traverse et même pataugeant dans l'eau d'un ruisseau pendant plus d'une demi lieue,(...) une demi heure après, ils débouchèrent en plein champ"





"Les soldats frappèrent de tranche en criant comme des rats mais Angelo leur releva vertement les lames et en quelques voltes fort habiles les plaça tous les deux à sa main. Il prit voluptueusement le temps de dire d'une voix de salon :
"Faites-moi la grâce, madame, de galoper droit devant vous. Je vais donner une petite leçon de politesse à ces jean-foutre."

Débarrassés des soldats, ils passent la nuit à l'abri des arbres. Au petit matin Pauline dort encore et Angelo veille sur elle. Il s'éloigne pour chercher de l'eau quand il entend un coup de feu :



"La jeune femme était debout, pâle comme une morte, un pistolet à la main. 
"Sur quoi avez-vous tiré ?"
Elle fit une horrible grimace de rire pendant que les larmes inondaient ses joues (...) La jeune femme soupira...
"J'ai tiré sur l'oiseau. (...) il m'a frappée du bec ici"
Elle avait, assez près de l'oeil, une petite écorchure. 
Angelo se dit : "Ce charognard avait certainement du choléra plein le bec. Est-ce que la maladie peut se transmettre de cette façon ?"Il était atterré.
Il fit boire de l'alcool à la jeune femme. (...) Il désinfecta soigneusement le petit point rouge, à la vérité peu de chose, juste la peau éraflée.
Foutons le camp, dit-il."





"Ils montèrent dans des escarpements, puis à travers une maigre forêt. Le jour était bleu sombre."



(...)"Au-delà des sapins clairsemés, la montagne se développait en pâtures déjà rousses. On apercevait aussi la ligne de crête et les arbres énormes, sans doute des hêtres qui régnaient là-haut."


 Montagne de Lure, au Pas de la Graiile, en fond, les Alpes
"Ils dominaient un labyrinthe de ravins boisés, une vaste étendue de toitures de montagnes. Ce canton avait l'air d'être un peu plus forestier que celui qu'ils venaient de traverser mais portait nulle trace de vie."


"Le chemin les promenait à travers les bois noirs et les landes pâles, les approchait lentement des grands hêtres solitaires  dont ils avaient le temps de voir monter et s'épanouir toute l'architecture barbare."



Ce que Jean Giono appelle...L'architecture barbare...

Désormais donc, ils font route ensemble, Pauline se rendra à Montjay chez Monsieur Peyrolle le notaire et grand ami de son époux, celui-ci lui apprendra que Laurent de Théus est à sa recherche. Malgré l'inconfort et le danger permanent ils iront au bout de leur quête...

"Ils arrivèrent à Montjay sur le pas de la nuit. Quelques grosses gouttes de pluie commençaient à claquer. Ils étaient fatigués."


Bientôt la quarantaine menace...

Tous les textes en italique de cet article sont extraits du "Hussard sur le toit" de Jean Giono.