J'aurais aimé...

J’aurais aimé Manosque et la Provence comme berceau de mon enfance !
J’aurais aimé séjourner au Paraïs !
J’aurais aimé avoir 20 ans au Contadour pour vivre la grande aventure ! Lire la suite...

mardi 21 mai 2019

Au pays des collines ... Toutes-Aures et le Mont d'Or ...



Au pays des collines...


Cet après-midi-là, c'était un bel après-midi... Un verre en terrasse sur la place de l'hôtel de ville de Manosque et le plaisir de retrouvailles pour un moment amical, une courte visite au Paraïs pour saluer les amis et se rassasier d'images à garder bien au chaud dans ma mémoire. Se glisser dans l'impasse et pousser la porte verte est toujours pour moi un grand moment !!
Puis nous partons à l'assaut du Mont d'Or... Le lieu est maintenant bien aménagé et entretenu. Nous laissons la voiture au petit parking et poursuivons le circuit à pied.
La colline est tapissée d'oliviers à perte de vue, le panorama à 360° est magique et nous laisse entrevoir tout le territoire et les reliefs alentours. La tour (ou ce qu'il en reste) couronne l'endroit et la ville à nos pieds dont les toits brillent, dort, écrasée de chaleur.
L'âme de Jean Giono rôde encore dans ce lieu, on peut facilement s'imaginer le saluer au détour d'un sentier.

Nous terminons ensuite ce petit périple manosquin par la colline de Toutes-Aures (Saint-Pancrace), pour cela il est nécessaire de reprendre la voiture.
Encore un lieu enchanteur à découvrir, avec certes une vue moins grandiose compte tenu de la végétation galopante mais sur un bel espace, carrefour de tout un tas de sentiers odorants, se pose au milieu des pins un ermitage de pierres blondes avec sa chapelle attenante,  calme et sérénité assurés !! 






"Les pieds dans le limon de la Durance et la tête dans le ciel bleu, mes collines rondes, couchées parmi les oliviers, gardent la dernière sagesse."
Mes collines, poème en prose 1921 - Jean Giono



" Il y a une sorte de tournée des grands-ducs à faire et que je me paye quand je veux vraiment être heureux. Je connais, dispersés dans le pays, une vingtaine de collines, une dizaine de coteaux, des pentes, de petits vals plantés d'oliviers. (...) Si l'on consent à ne rien voir de gros, voilà une tournée qu'on peut se payer comme moi." 
Jean Giono - Arcadie...Arcadie 


"Des quatre collines qui l'entourent on ne sait quelle est la plus belle. Une d'elles a la forme d'un sein (...) La colline de l'ouest, Saint-Pancrace, a toute la suavité de la vertu chrétienne."
Jean Giono - Provence



Le Mont d'Or, "ce beau sein rond"... 

Colline de Toutes-Aures, Saint-Pancrac

Le Mont d'Or :


"Ce beau sein rond est une colline ; sa vieille terre ne porte que des vergers sombres (...) si on quitte le chemin, il y a des oliveraies envahies par les roses." 
Jean Giono - Manosque-des-Plateaux



Les oliviers du Mont d'Or

"Elle a des grâces de mélange, elle se fond dans la plaine par des pentes douces. Cependant les orages qui la dépassent sont mauvais."
"De l'ouest au sud-ouest, la Durance frotte ses terres à blé, ses champs de patates célèbres."
Jean Giono - Provence

Vue du Mont d'Or, la plaine de la Durance et le
plateau de Valensole



"Au-delà de la Durance, le plateau de Valensole, bleu et toujours pareil, ferme la plaine comme une barre de vieux bronze."
Jean Giono - Manosque-des-Plateaux








"On a chaud là-dessous d'une lourde chaleur de laine (...) De grands talus se chauffent au midi, fleuris de serpents immobiles."
Jean Giono - Manosque-des-Plateaux


Les toits de Manosque depuis le sommet du Mont d'Or

"Ainsi du haut de cette colline ronde et féminine, on voit tout le large pays. Elle, elle est l'aimable et la nourrice ; elle bombe sa ligne pure gonflée par l'artère des eaux ; la plaine vient téter ses sources puis s'en va, lourde d'arbres et de blé. (...) Donc vers l'est : la vallée de l'Asse fend le plateau de Valensole dans la droite ligne du soleil levant."
Jean Giono - Manosque-des-Plateaux


Dans le lointain, la Vallée de l'Asse fend le plateau de Valensole


Les olives du Mont d'Or

"Par la brèche de ce val on voit l'escalier des Alpes... "



La colline de Toutes-Aures , Saint-Pancrace :



Faisant face au Mont d'Or, la colline de Toutes-Aures, légèrement sur la gauche

" La colline de l'ouest, Saint-Pancrace, a toute la suavité de la vertu chrétienne. Est-ce à cause de son patron ? De son petit ermitage ? Pour moi c'est qu'elle est humble sous sa gloire. Couverte d'amandiers qui au printemps l'habillent comme une vierge, mai et juin la couronnent de genêts d'or."
Jean Giono - Provence



L'ermitage de Toutes-Aures (Saint-Pancrace) et sa chapelle 





"Vous voyez là-bas la colline, et au sommet de la colline il y a un ermitage : c'est l'ermitage de Toutes-Aures. Dans cet ermitage il n'y a plus personne maintenant, mais il y avait un ermite. (...) C'était un personnage qu'on avait mis là, d'ailleurs, pour sonner de la cloche dans certains cas. Ces cas se présentaient lorsque l'orage arrivait de ce côté. Les orages qui viennent du côté de Toutes-Aures sont toujours extraordinairement meurtriers et portent la catastrophe avec eux : ils détruisent les vergers et les arbres, et ce sont ceux que Manosque ne peut pas éviter." 
Propos et récits, septembre 1954 - Entretiens Jean Giono et Taos Amrouche (bulletin no 65 des amis de Jean Giono)








L'ermitage et son puits 


" Et un jour, un dimanche plus particulièrement qui devait se placer en décembre si je me souviens bien (...) C'était un après-midi donc d'hiver, le concert avait lieu vers les trois heures de l'après-midi au moment où la lumière du jour commençait à baisser, et brusquement cette lumière s'est encore obscurcie, un orage - malgré l'hiver - éclata vers les quatre heures, mais avec une violence inouïe. (...) Et vers le soir, l'orage continua pendant une grande partie du crépuscule et quand le soir tomba définitivement et qu'on alluma les lumières dans la rue, ma mère nous dit :
- Ecoutez, il se passe quelque chose, j'entends des gens qui parlent, j'entends des gens qui crient dans la rue, qu'est-ce qui se passe ? (...)
- On a assassiné le frère ! 
- L'ermite ? 
- Oui, on avait assassiné l'ermite. On avait assassiné non seulement l'ermite, mais on avait assassiné en même temps que lui un petit garçon, son neveu, qui se trouvait avec lui en vacances."(1)
Propos et récits, septembre 1954 - Entretiens Jean Giono et Taos Amrouche (bulletin no 65 des amis de Jean Giono)





En Haute-Provence chaque colline a sa valeur inestimable et son grand intérêt.
Nous ne sommes jamais déçus de l'effort fourni à gravir ces lieux qui nous font découvrir le "pays" dans son ensemble, jamais déçus des beautés des paysages, jamais déçus de la grandeur des choses, jamais déçus de la magie des couleurs et jamais déçus de l'amour que l'on a dans notre coeur pour cette région si attachante, chaque instant est un étonnement ...


"Le bonheur est une recherche... il faut y employer l'expérience et son imagination."
Jean Giono - Voyage en Italie



(1) Le double assassinat de l'ermite de Saint-Pancrace en 1900 , voir l'article selon le lien ci-dessous :   L'assassinat de l'ermite de Saint-Pancrace





jeudi 28 février 2019

Le Contadour... Un grand tapis magique !!



Le Contadour, un "grand tapis magique"...


"Le bord ultime du monde ..." René Frégni (1)





"Cette impression de bout du monde, rares sont ceux qui, arrivant au Contadour, ne l'ont pas éprouvée."
Alfred Compozet (2) - Le pain d'étoiles, Giono au Contadour



"Cette impression de bout du monde..."


"Ces paysages composés de neuf dixièmes de ciel et d'un petit dixième de terre, et encore de terre qu'on surplombe, font jouir l'âme de délices féodaux (...) Les qualités de ce pays sont des qualités de lumière (...) Les petites routes sont très familières et vous frottent le dos à toutes les haies. S'arrêter, marcher à pied pour monter à un coteau, devient tout naturel dès qu'on a éprouvé les premières richesses."
Jean Giono - Arcadie


Le Contadour et le Moulin au premier plan - Aquarelle de Lucien Jacques (3)


Ce jour là, nous avions décidé d'aller voir de plus près le squelette du village ruiné du "vieux Redortiers". Il faisait très chaud et l'orage menaçait, mais emportés par le désir de toujours aller voir plus loin... nous partîmes confiants.
Nous posons la voiture sur le parking de la petite mairie de Redortiers et nous nous dirigeons, d'abord par la route puis le chemin jusqu'au "Moulin".(4)



"Des deux maisons que nous avions au Contadour, la première s'appelait "Le Moulin" Près d'elle restaient les ruines d'une tour de grosse maçonnerie (...) Moulin magique, nous nous sommes nourris de sa mouture. Et d'avoir mangé le pain d'étoiles vient sans doute mon incapacité à écrire du Contadour avec la sérénité d'un historien..."
Alfred Compozet - Le pain d'étoiles




Le Moulin en 2018

Et sa maison meunière attenante, les niches que l'on voit dans le mur de pierres sèches
 à l'arrière plan sont les emplacement protecteurs de ruches.  
Jean Giono et Lucien Jacques devant le Moulin (Source Giono)(4)

"Ce sont des terres avec des champs ; les routes qui font les pas ; l'étendue des plaines, le désir de savoir ce qu'il y a dessus et au-delà ; le relèvement des collines, l'envie qu'elles me portent ; (...) l'envie qu'elles me haussent."
Jean Giono - Triomphe de la vie 



Terres cultivées sur le plateau


"Les routes qui font les pas..."
Nous continuons notre balade pour arriver aux Graves (5), deuxième maison du Contadour, cette bergerie de pierres blondes et de beau volume que je nomme depuis fort longtemps "La maison de Giono" je me la suis appropriée et chaque visite au Contadour mérite sa photo !!
Elle est posée légèrement en contrebas de la D5, venant de Banon,  sur la rive droite  au contrefort d'un vallon, il faut être vigilant car on peut facilement la rater, ne devinant que le toit !! Seul repère, le panneau indiquant : "Chemins de la résistance".




Aux Graves, il nous faut traverser la D5 et emprunter un chemin, toujours vers le sud qui longe la départementale.



"Comment ce fait-il qu'elle nous fût encore inconnue ? Elle était à moins de cinquante mètres de la route, quoique si aplatie au sol dans un pli du terrain que, venant de Banon, on ne pouvait voir qu'un bout de toit si roux et si charrué qu'on le confondait avec les chaumes alentours."
Alfred Compozet - Le pain d'étoiles


"Si aplatie au sol dans un pli du terrain..."

Les Graves - été 2018

"Terre magique"


"Peu importe où l'on se trouve sur le plateau du Contadour,  quand ou tourne la tête vers l'ouest il est là, comme posé sur le plateau d'Albion celui qu'on nomme "Le géant de Provence", en  droite ligne d'horizon de la montagne de Lure qui elle domine à l'est (6)...
Ainsi ces deux montagnes (je n'oublie pas pour autant la Sainte-Victoire, emblématique en soi) qui font la fierté du territoire provençal, si proches, si semblables en altitude, si magiques mais en même temps si différentes, l'une livrée depuis fort longtemps au "tourisme de masse" et l'autre beaucoup plus "sauvage et solitaire", eh bien elles nous enchantent le regard et font partie des petits bonheurs de la Provence !



La montagne de Lure depuis la crête du Ventoux

Le Mont Ventoux depuis la crête de Lure
Au premier plan, le plateau du Contadour 


"L'ouest, pour qui faisait un simple tour d'horizon, c'était d'abord, dominant une crête imprécise de collines, le Mont Ventoux aux allures de Fuji-Yama avec sa pointe nue aux calcaires si éblouissants qu'on le croirait éternellement enneigé."
Alfred Compozet - Le pain d'étoiles


"Sa crête enneigée..."
"Quand le taxi s'arrête et dès la porte ouverte, le vent et la fraîcheur me sautent au visage. Je prends le Ventoux en pleine figure. Il est là-bas, à soixante kilomètres d'ici, mais il est seul, on ne voit que lui. Le regard ne va pas ailleurs. Je ne sais pas que c'est le Ventoux. C'est Jef qui me l'apprend."
Pierre Magnan - Pour saleur Giono

Le Ventoux depuis les Graves


"Il est des chemins qu'on savoure, certains feutrés d'herbe, embaumés de menthe, d'autres souples au pas et d'une élasticité telle qu'on se sent par elle propulsé sans effort."
Alfred Compozet - Le pain d'étoiles



"Sentiers feutrés d'herbe ou souples au pas ... "

"Il sentait maintenant l'odeur des pins. Ils étaient tout près ; l'odeur venait déjà du sol mou couvert d'aiguilles. On entendait chanter les pins là-bas devant..."
Jean Giono - Le chant du monde


Petit bois de pins sur le sentier entre "le Moulin" et "les Graves"


"C'est colline après colline, on monte d'un côté on descend de l'autre, mais chaque fois, on descend un peu moins que l'on a monté. Ainsi peu à peu, la terre vous hausse sans faire semblant (...) Enfin on aborde le plateau, l'étendue toute rabotée par la grande varlope du vent."
Jean Giono - Regain


La montée vers le plateau


"Soudain, c'était le bout du monde..."



"Soudain, c'était le bout du monde (...) au-delà ce n'était plus que sentiers, pistes qui très vite se perdaient puis plus rien que la pleine terre."
Alfred Compozet - Le pain d'étoiles


"La grande varlope du vent... "

Et l'arbre de "Regain" selon mon imagination :

"Cette chose noire avec tantôt une branche de ce côté, tantôt une branche de là. Cette chose que je t'ai dit trois ou quatre fois : "Qu'est-ce que c'est ?" et que tu as dit : "C'est un arbre, marche", c'est là encore. Ça a fait : hop ! " 


Emportés par la beauté du lieu, la chaleur de plus en plus pesante , le vent chaud qui nous enivrait et la fatigue se faisant sentir, nous abandonnâmes l'idée de partir à l'assaut du vieux village ruiné, quelques alertes de danger à destination du randonneur, les ruines étant aujourd'hui livrées à la végétation,  finirent de nous en dissuader et c'est d'un pas décidé que nous avons contourné l'éperon rocheux,  mais nous nous promettons toutefois d'y revenir plus tard et au petit matin !! 


Champs de lavande

"A mi-route, on trouvait quelques champs de lavande et sur un éperon isolé, la ruine d'un village depuis longtemps retourné à la pierre."
Alfred Compozet - Le pain d'étoiles





Et puis le paysage se découvre, après avoir longtemps suivi une agréable piste longeant le vallon de la Riaille, et emprunté ensuite  le chemin de Peymian,  nous émergeons enfin sur un paysage agricole qui s'ouvre devant nous, le sentier côtoie maintenant des champs cultivés, quelques fermes nous annoncent le retour à la vie humaine, la route se dévoile, goudronnée et  ombragée, nous apercevons bientôt la chapelle du Contadour,  c'est la fin de cette belle randonnée. (7)



Au fond du vallon de la Riaille

La petite route goudronnée qui descend vers la chapelle


La chapelle du Contadour, Église Saint-Jean-Baptiste (Source internet ) 

"Plus rien que de la pleine terre..."

"Et puis soudain pour souligner ce témoin, sur un dos-d'âne, la route bascule et le coffre aux images s'ouvre trop grand pour ma courte vision."
Pierre Magnan - Pour saluer Giono


"Une terre rase..."


"Devant moi une terre rase montait vers le sommet qui me paraissait être la joie."
Jean Giono - Les vraies richesses





CONTADOUR
Ventre d'or
palpitant d'herbes odorantes
fleuri de vent vermeil
Morceau de rêve 
accroché au ciel
ruisselant d'été
avec délice
nous t'avons goûté
au coeur de l'hiver
seule je reviendrai
apprivoiser tes noirs sentiers
je caresserai tes herbages glacés
réveillerai tes bruissements secrets
embrasserai ton ventre d'écorces mouillées
pénétrerai tes replis sauvages
boirai à tes sources souterraines
et si tu le veux bien CONTADOUR
mien je te ferai.

Marie-Christine Talon 19/11/1995
Les cahiers du petit Contadour



(1) René Frégni : Ecrivain vivant à Manosque, auteur d'une quinzaine de livres imprégnés de ses voyages et de son expérience, son dernier roman "Des vivants au prix des morts" a obtenu le prix des lecteurs Gallimard 2017

(2) Alfred Compozet : Poète, maçon, pacifiste, grand ami de Lucien Jacques et auteur du "Pain d'étoiles" relatant avec beaucoup d'amour et de poésie l'aventure du Contadour.
Voir le très bel article de mon ami André Lombard :
http://sergefiorio.canalblog.com/archives/2015/10/16/32780073.html

(3) Lucien Jacques : Poète, peintre, sculpteur, grand ami de Jean Giono, il est un des initiateurs des rencontres du Contadour - pour en savoir plus :
http://amislucienjacques.fr/


(4 et 5) Le Moulin et les Graves : Les deux maisons achetées par Jean Giono et les contadouriens sur la montagne de Lure - suivre le lien sur les précédents articles du blog :
https://jeangiono.blogspot.com/2013/04/le-contadour-un-foyer-de-poesie-vivante.html
https://jeangiono.blogspot.com/2013/04/l-e-contadour-mythes-et-realites.html

(6) Le Mont Ventoux : 1910m - La Montagne de Lure : 1826m

(7) Pour plus de détails sur cette randonnée au vieux village de redortiers, se référer à l'excellent blog de mon amie Nicole Despinoy : 
https://www.randomania.fr/le-vieux-redortiers/

mardi 22 janvier 2019

La vallée de l'Asse ... C'est le soleil qui l'a faite !!


"Parce que tout le bonheur des hommes est dans les petites vallées..."


" On n'imagine pas les découvertes que l'on peut faire, ce pays est d'une malice inouïe. Il y a par exemple de petites vallées comme la vallée de l'Asse (...) et qui apporte les eaux drainées dans les hauts massifs des environs de Castellane. Large ouverte d'abord, elle porte dans ses bras d'admirables vergers d'amandiers (...) la terre est couleur de vieil or vert (...) on entre donc dans ce pays sévère et les quelques villages qu'on rencontre se cachent sous les yeuses et ne font pas de bruit. (...) Si on était dupe de ces malices on passerait à toute vitesse. On aurait tort. Dès qu'on le prend par la douceur, ce pays ne résiste pas. On tombe sur des Tahiti de gens éblouis qui se demandent comment vous avez fait pour les trouver et que vous surprenez en train de jouir de la vie." 
Jean Giono - Provence


"Le soleil n'est jamais aussi beau qu'un jour où l'on se met en route"

" Le monde semble né du matin, aussi propre qu'une feuille fraîchement dépliée du bourgeon."
Maria Borrély - Le dernier feu (1)






En ce jour du mois d'août, en descendant de Gréoux, nous sommes partis en direction de la vallée de l'Asse avec en tête la seule devise qui soit : "Le soleil n'est jamais aussi beau qu'un jour où l'on se met en route"... 
Et c'était tout à fait vrai, je respectais à la lettre les mots de Jean Giono que j'ai fait miens depuis fort longtemps.
Au rond-point de Manosque, nous entamons notre balade par la D4 avant de glisser vers la droite par la D907 à la découverte de cette vallée perdue qui devait nous réserver de bien belles surprises. 
Pays perdu certes, mais douceur de vivre, calme ambiant, chants d'oiseaux, papillons, prés, petits jardins, petits bois, petits villages, lavandes, fermes isolées et travaux des champs, un circuit tout en douceur et seuls au monde !!
Ici point de musées, de galeries, de monuments, le musée, il est à ciel ouvert et le spectacle de la nature sans cesse renouvelé.







"Tu vois cette vallée de l'Asse, eh! bien, je vais te dire, c'est le soleil qui l'a faite (...)
Le premier rayon tapait toujours dans le plateau qui tremblait mais restait solide parce que c'était un bon plateau de main de maître. Seulement, le soleil, c'est tous les jours, et toujours la même force, alors petit à petit ça a fendu les os au fond de la chair de terre, et, lentement, le val s'est creusé à coups de rayons de soleil. Quand ça a été percé, l'Asse, là-haut, s'est décidée : elle a lâché ses glaces et elle est descendue. Puisqu'il y a un chemin, tant vaut qu'on en profite, elle a dit."
Jean Giono - Manosque-des-Plateaux


L'Asse à hauteur de Bras d'Asse

"Le long de ses eaux maigres, le monde devient petit sans rien perdre de ses possibilités de bonheur. Petits champs, petits prés, petits hameaux,petits vergers, des vies roulées en boule comme le chien au soleil."
Jean Giono - Provence




"Là, un banc frais de limon frais ayant gardé la forme des vagues. Plus au milieu, à plat en travers d'une île, dans les galets lisses et cerné par les eaux qui tremblent, un pin mort, ressemblant à l'épine dorsale d'un grand poisson... "
Maria Borrély- Le dernier feu



"j'ai choisi cette vallée de l'Asse parce qu'elle est sévère et que pour tout dire, elle passe pour être pauvre. Elle s'enfonce en effet dans les montagnes où le climat est rude et la terre pleine de cailloux roulés.
Jean Giono - Provence

"Elle s'enfonce dans la montagne" - L'Asse en direction de Digne


"Une terre pleine de cailloux roulés"

Petite vallée paisible ...


Le vieux Bras d'Asse (village abandonné)
"Ce village, là-haut, sur l'échine galeuse de la colline et confondu dans la pierraille..."
Maria Borrély - Le dernier feu

Champs de lavande dans la vallée de l'Asse
" C'est une bonne idée que tu as eue, Auguste, de faire des lavandes par ici.
- La lavande se contente d'une mauvaise terre et il lui faut du sec."
Maria Borrély - Le dernier feu


À Bras d'Asse, tout est fermé... 

...Où il est difficile, même en plein mois d'août de se restaurer à l'heure du déjeuner !! Après avoir fait deux tentatives à Bras d'Asse selon les conseils du "guide du routard" et où nous avons trouvé porte close, nous nous sommes installés à Mezel, un village typique comme on les aime et c'est à la terrasse du bar de l'avenue que nous nous sommes posés à l'ombre des platanes.


La terrasse du bar de l'avenue de l'autre côté de la route 


Après le déjeuner, il nous a fallu revenir sur nos pas pour retrouver à La Bégude blanche la petite route D108 qui nous a menés à Brunet ... le pays de Gaston Dominici, il y a habité et s'y est marié en 1903 (2) Nous sommes maintenant sur l'autre rive de l'Asse.

L'Asse 
"D'Estoublon à Brunet en passant par la Bégude  (...) L'Asse crasseuse, roule son argile et bouillonne."
Maria Borrély - Le dernier feu


Le grand spectacle de la nature


"Les pentes les plus hautes de ce département sont des déserts blancs, le reste des landes d'une infinie beauté, couverts de lavande, portant le silence et la paix, de fayard en fayard, sous le ciel si égal et si bleu que, dans l'exaspération de l'été, il blanchit comme un visage en colère."
Jean Giono - Provence



"Ce pays est d'une malice inouïe..."



Le village de Brunet :



Pour arriver à Brunet, il faut le vouloir, un peu à l'écart de la route, il nous faut grimper jusqu'à lui, accroché à l'ubac du plateau de Valensole.
Brunet bénéficie d'une vue imprenable sur la vallée de l'Asse. Une poignée d'habitations disséminées entre deux chemins de terre faisant office de routes carrossables, de belles maisons de pierre magnifiquement restaurées au milieu de la verdure, l'église et le château habités et privés et bien sûr beaucoup de charme. Une impression de vivre "entre soi"... 
Le village est très ensoleillé, je souligne cela car pour une fois je ne suis pas du tout d'accord avec mon auteur préféré (voir plus bas!!)


L'entrée du village comme à Hollywood !!
"L'accusé habite Brunet, Brunet est un village de la vallée de l'Asse (...) à quinze kilomètres de l'embouchure de la vallée, Brunet. Il est sur la rive gauche, c'est à dire sur le versant nord du plateau de Valensole, donc à l'ombre toute la journée (...) C'est un village de vieillards."
Jean Giono - Notes sur l'affaire Dominici


La rue principale du village

"Brunet, une vingtaine de maisons noires, dans les bois noirs, sur le flanc noir du plateau de Valensole. L'exposition au nord dérobe le village au soleil. De la vallée de l'Asse il faut monter pour atteindre le village."
Jean Giono - Notes sur l'affaire Dominici





"Mais pour celui qui voit les toitures de ce Tibet du bord oriental de la Vallée de l'Asse, il a ensuite à ses pieds, la vallée de cet affluent de la Durance, devant lui le plateau de Puimichel, un peu à sa gauche la montagne de Lure qui, maintenant barre tout l'horizon de l'ouest comme une muraille de Chine. "
Jean Giono - Provence


À l'horizon, la montagne de Lure... comme une muraille de Chine

Vue depuis Brunet de la vallée 


Vue vers Digne
"... Du village il faut continuer à monter pour atteindre le rebord du plateau... "
Jean Giono - Notes sur l'affaire Dominici


Le plateau de Valensole avant l'orage 
"Cependant, on arriva premiers au carrefour de Telle. (...)  Il y avait seulement le ronflement de l'Asse qui doucement, en bas, écartait ses limons, et le bruit du vent paresseux qui se balançait sur l'air mou de dix heures. Un homme était là à la source de cette route biblique qui s'appelle "La route des troupeaux" : une érosion de fleuve sur le dos sauvage de la colline. Il était près du poteau."
Jean Giono - préface au Dernier feu de Maria Borrély


La vallée de l'Asse depuis le carrefour de la D953 et de la route de Puimoisson
 "De là on accède en quelques kilomètres, à travers des forêts de chênes blancs très sauvages, au large sur lequel vogue le village de Puimoisson (3)
Jean Giono - Provence

Le poteau de Telle au carrefour de la "route des troupeaux

"Vous avez vu comment vivre dans un monde véritable donne une simple sagesse plus délicieuse que les fruits et l'eau fraîche des sources.

Jean Giono - Provence





"On rêve d'avoir là, une pièce blanchie à la chaux et de ne plus partir"...

Jean Giono - Provence 


(1) et (3) Maria Borrély  auteur(e) du "dernier feu": Maria et Ernest couple d'instituteurs à Puimoisson sur le plateau de Valensole et amis de Jean Giono (voir l'article Jean Giono en amitié, Maria et Ernest Borrély).
Le "dernier feu" raconte la mort du vieux village perché de Bras d'Asse et sa renaissance dans la vallée.
Éditions Paroles - Collection main de femme

(2) Gaston Dominici - Affaire Dominici (voir les 3 articles sur l'affaire Dominici)