J'aurais aimé...

J’aurais aimé Manosque et la Provence comme berceau de mon enfance !
J’aurais aimé séjourner au Paraïs !
J’aurais aimé avoir 20 ans au Contadour pour vivre la grande aventure ! Lire la suite...

lundi 28 avril 2014

Le Hussard sur le toit.. Le bonheur fou d'une rencontre...Épisode 3

"Je suis arrivé dans cette  ville, il y a trois ou quatre jours dit Angelo, j'ai failli être écharpé comme empoisonneur de fontaine... Alors j'ai gagné les toits. C'est là haut dessus que j'ai vécu depuis."

Elle avait écouté sans bouger d'une ligne, cette fois le silence fût un tout petit peu plus long. Puis elle dit :"Vous devez avoir faim, alors ?...Entrez !



"Je suis navré, dit-il.
- De quoi êtes-vous navré ? dit la jeune femme qui était en train d'allumer la mèche d'un petit réchaud à esprit-de-vin.
- Je reconnais que vous avez toutes les raisons du monde de vous méfier de moi.
- Où voyez-vous que je me méfie, je vous fais du thé."
(...) "Le thé était excellent. A la troisième cuillerée de pain trempé, il ne pensa plus qu'à manger avec voracité et à boire ce liquide bouillant."





Rassasié, Angelo demanda la permission de se réfugier pour la nuit dans le grenier en faisant promesse de l'avoir quitté le lendemain matin à la première heure.





Angelo quitte la ville sans avoir retrouvé Guiseppe, il ne sait pas ce qu'est devenue Pauline, ils n'ont pas quitté Manosque ensemble, pourtant ils se retrouveront bientôt pour faire route à deux, leurs chemins vont se croiser et se défaire sans fin.

Obligés à fuir, les habitants de Manosque se sont réfugiés dans les collines :

" Les collines s'arrondissaient en cirque. Sur les gradins, toute la population de la ville était rassemblée comme pour le spectacle d'un grand jeu. Elle bivouaquait sous les vergers d'oliviers, les bosquets de chênes, dans la broussaille des thérébinthes. Des feux fumaient de tous les côtés."

"Angelo traversa le bois de pin. Quelques familles s'étaient installées à l'abri des arbres. Elles restaient groupées, à l'écart les unes des autres et silencieuses".

Angelo, toujours à la recherche de Guiseppe interroge les habitants, quand soudain...

"Il recommença à dire qu'il cherchait un nommé Guiseppe, mais cette fois on lui répondit  :
"Si c'est ça, c'est facile ; amène-toi. Je vais te conduire."

"Guiseppe habitait une belle hutte de roseaux (...) dès qu'Angelo passa dans la lueur des flammes, il cria de là-bas dedans :
"Ah voilà enfin le fils de sa mère ! "

"Guiseppe avait remis avec beaucoup de cérémonie à Angelo une lettre d'Italie (...) C'est de ta mère..."




Angelo et Guiseppe attablés dans les collines

Après avoir longuement conversé, ils décidèrent de rentrer en Italie chacun de son côté, Angelo passerait par le Vaucluse et la Drôme afin d'éviter la maladie, les barrages et les quarantaines.








En chemin, Angelo croise Pauline qui tente de rejoindre le domaine de Théus, près de Gap où l'attend son époux Laurent... Dorénavant, ils vont faire route ensemble...
Ils vont traverser cette Provence ravagée par le choléra et vont rapidement comprendre que leur  seule chance de survie c'est d'être solidaires...

" - Vous allez bien quelque part ?
- En principe oui. Je vais chez ma belle-soeur qui habite dans les montagnes, au dessus de Gap.
- C'est ma route, dit Angelo. Je rentre en Italie.
- Vous êtes italien ?
- Cela ne se voit pas ?"




Et l'aventure continue, il faut maintenant affronter les soldats...

" Ils firent sous bois une longue traite très rapide, prenant plusieurs chemins de traverse et même pataugeant dans l'eau d'un ruisseau pendant plus d'une demi lieue,(...) une demi heure après, ils débouchèrent en plein champ"





"Les soldats frappèrent de tranche en criant comme des rats mais Angelo leur releva vertement les lames et en quelques voltes fort habiles les plaça tous les deux à sa main. Il prit voluptueusement le temps de dire d'une voix de salon :
"Faites-moi la grâce, madame, de galoper droit devant vous. Je vais donner une petite leçon de politesse à ces jean-foutre."

Débarrassés des soldats, ils passent la nuit à l'abri des arbres. Au petit matin Pauline dort encore et Angelo veille sur elle. Il s'éloigne pour chercher de l'eau quand il entend un coup de feu :



"La jeune femme était debout, pâle comme une morte, un pistolet à la main. 
"Sur quoi avez-vous tiré ?"
Elle fit une horrible grimace de rire pendant que les larmes inondaient ses joues (...) La jeune femme soupira...
"J'ai tiré sur l'oiseau. (...) il m'a frappée du bec ici"
Elle avait, assez près de l'oeil, une petite écorchure. 
Angelo se dit : "Ce charognard avait certainement du choléra plein le bec. Est-ce que la maladie peut se transmettre de cette façon ?"Il était atterré.
Il fit boire de l'alcool à la jeune femme. (...) Il désinfecta soigneusement le petit point rouge, à la vérité peu de chose, juste la peau éraflée.
Foutons le camp, dit-il."





"Ils montèrent dans des escarpements, puis à travers une maigre forêt. Le jour était bleu sombre."



(...)"Au-delà des sapins clairsemés, la montagne se développait en pâtures déjà rousses. On apercevait aussi la ligne de crête et les arbres énormes, sans doute des hêtres qui régnaient là-haut."


 Montagne de Lure, au Pas de la Graiile, en fond, les Alpes
"Ils dominaient un labyrinthe de ravins boisés, une vaste étendue de toitures de montagnes. Ce canton avait l'air d'être un peu plus forestier que celui qu'ils venaient de traverser mais portait nulle trace de vie."


"Le chemin les promenait à travers les bois noirs et les landes pâles, les approchait lentement des grands hêtres solitaires  dont ils avaient le temps de voir monter et s'épanouir toute l'architecture barbare."



Ce que Jean Giono appelle...L'architecture barbare...

Désormais donc, ils font route ensemble, Pauline se rendra à Montjay chez Monsieur Peyrolle le notaire et grand ami de son époux, celui-ci lui apprendra que Laurent de Théus est à sa recherche. Malgré l'inconfort et le danger permanent ils iront au bout de leur quête...

"Ils arrivèrent à Montjay sur le pas de la nuit. Quelques grosses gouttes de pluie commençaient à claquer. Ils étaient fatigués."


Bientôt la quarantaine menace...

Tous les textes en italique de cet article sont extraits du "Hussard sur le toit" de Jean Giono.

samedi 19 avril 2014

Le Hussard sur le toit... L'aventure au bout du chemin... Episode 2

"L'aube surpris Angelo béat et muet, mais réveillé. La hauteur de la colline l'avait préservé du peu de rosée qui tombe dans ce pays en été". Jean Giono - Le Hussard sur le toit

Itinéraire du Hussard sur le toit


Angelo














Si je devais définir Angelo Pardi, je dirais : Noble, fier, droit mais aussi courageux, volontaire, dévoué tenace et très intrépide, très bien élevé (par sa mère) et surtout, surtout terriblement séduisant.



Pauline















Pauline de Théus est orgueilleuse, têtue et volontaire indomptable et, d'une beauté pure, avec une grande douceur dans le regard.

"Son mince visage en fer de lance avait aux pommettes le rose d'un certain désordre "Elle est très belle" se dit Angelo. L'endroit on ce visage avait eu ces feux était resté en tache blanche dans sa mémoire".


L'immensité, la rudesse, la beauté des paysages du haut pays, la magie des mots de Jean Giono vont nous accompagner, l'aventure et au bout du chemin pour Angelo et Pauline...


 Angelo découvre le choléra aux Omergues,

"Le cheval marchait gaiment. Angelo arriva au pas de Redortiers vers les 9 heures. De là, il pouvait plonger ses regards dans la vallée ou il allait descendre. de ce côté la montagne tombait en pente raide".

"A dix heures, vous devez être à ce pas, qui s'appelle le pas de Redortiers..."

"(...) Tout autour de ces hauts parages vermeils l'horizon dormait sous les brumes noires et pourpres. La montagne tombait en pentes raides. Au fond, il pouvait voir ce hameau que le garçon d'écurie avait appelé 'Les Omergues', chose curieuse : les toits des maisons étaient couvertes d'oiseaux."
(...) Il y avait même des troupes de corbeaux par terre, autour des seuils (...) En même temps qu'une grosse flaque de corbeaux s'envolant découvrit un corps au milieu du chemin (...) C'était le cadavre d'une femme (...) Elle sentait effroyablement mauvais. Ses jupes étaient trempées d'un liquide qu'Angelo prit pour du sang. Il courut vers la maison, mais sur le seuil il fût repoussé par un véritable torrent d'oiseaux qui en sortait et l'enveloppa d'un froissement d'ailes".



Angelo et le jeune médecin français (François Cluzet dans le film)

"Pauvre petit français"


Angelo rencontre alors ce jeune médecin venu tenter de sauver les habitants malades et débusquer ceux qui se terrent.

Angelo :
"Allez-vous me dire ce qui se passe?
Comment ? dit le jeune homme, vous ne savez pas ? Mais d'où venez-vous ? C'est le choléra morbus, mon vieux. C'est le plus beau débarquement de choléra asiatique qu'on ait jamais vu !! "

Malgré les précautions prises le jeune médecin succombera à son tour au terrible mal et Angelo tentera de le sauver en vain.



Le "petit Français" apprend à Angelo à se désinfecter

"Il était lui même secoué de grands frissons nerveux, (...) il vit remuer les lèvres. IL y avait encore un souffle de voix. Angelo colla son oreille près de la bouche : "Désinfectez-vous" disait le jeune homme.
Il mourut vers le soir.
"Pauvre petit Français" dit Angelo."


Sur la route de Manosque en passant par Peyruis


Après la mort du jeune médecin français, Angelo reprend son périple à la recherche de Guiseppe son ami et frère de lait , il passe par Peyruis avec la ferme intention de rejoindre Manosque. En chemin, il fait une rencontre ...

"Dès qu'il entendit de nouveau des bruits furtifs dans les buissons, il s'arrêta et il demanda à haute voix : "y-a-t-il quelqu'un par ici ?"  Il n'y eu pas de réponse.
(...) "Puis-je rendre service à quelqu'un par ici" ?(...) "Oui, Monsieur". Angelo aussitôt alluma son briquet et une femme sortit du bois. Elle tenait deux enfants par la main.
La jeune femme expliqua qu'elle était la préceptrice des deux enfants de Monsieur de Chambon, qu'ils étaient arrivés il y avait six jours à peine  tous les trois de Paris et se rendaient au Château d'Aubignosc. (...)

Mais Aubignosc était à son tour touché par la terrible épidémie,  cette jeune demoiselle n'eut alors d'autres moyens que de fuir avec les enfants Alors, du côté de Château-Arnoux ils avaient rencontré des barrages et depuis ils erraient dans les bois alentours...

"Angelo demanda une foule de renseignements pour savoir où étaient placées ces barrières et ce qu'elles barraient" (...) L'allusion à la quarantaine lui avait fait aussi dresser les oreilles." (...)
" Je vais moi-même du côté d'Aix et je vous aiderais tant que vous ne serez pas tirés d'affaire. Rassurez-vous, poursuivit-il, je suis colonel de hussards et l'on ne viendra pas facilement à bout de nous." 

(...) "Ils quittèrent la route et traversèrent le bois."

"Nous ne devons pas être loin de Peyruis. Il y a là une gendarmerie. J'expliquerai mon cas ; Monsieur de Chambon est connu,(...) je ne peux pas continuer à courir des risques avec ces enfants dont j'ai la charge".




Isabelle Carré dans le rôle de la préceptrice

En effet devant les gendarmes le nom de Monsieur de Chambon fit son effet mais ceux-ci demeurèrent inflexibles quand à la quarantaine de trois jours.



La préceptrice et les enfants dans la quarantaine

Angelo n'a pas l'intention de subir cette quarantaine et espère entraîner dans sa fuite la jeune préceptrice et les deux enfants, celle-ci refuse de prendre le risque et reste à l'isolement.
Angelo s'évade et achète chez un aubergiste un "boggey"  bien décidé à retourner chercher l'institutrice et les enfants :

" Cette petite demoiselle, si fière et qui a tant confiance dans les gendarmes apprendra une bonne fois pour toutes que l'habit ne fait pas le moine."

Angelo revient donc sur les lieux de la quarantaine :

"Le silence était total (...) Ils dorment tous, se dit Angelo.(...) Il s'efforçait en même temps de reconnaître dans la nuit très noire, l'emplacement où devait se tenir la sentinelle.(...) Le silence de la grange était également assez surprenant
(...) Il s'avança à tâtons. Son pied rencontra un obstacle. Il se baissa et toucha des jupes.(...) C'était la petite fille, (...) Elle avait dû mourir très vite, (...) le petit garçon était un peu plus loin, cramponné dans la jeune préceptrice toute convulsée... "





"Angelo sortit du village sans rencontrer autre âme qui vive."


Le lit de la Durance entre Peyruis et Manosque
La route suivait d'assez près le lit sec de la Durance en serpentant le long d'une rangée de collines"


"Angelo arriva à Manosque à la tombée de la nuit..."

"Ici il y avait de sérieuses barricades"
"Halte, on ne passe pas. nous ne voulons personne chez nous, vous entendez, personne ! Toute résistance est inutile."

Quand il arrive à Manosque la ville semble assiégée, la maladie est déjà là. Hommes et femmes, pris de panique sont prêts à tout, il part à la recherche de Guiseppe, cordonnier à Manosque et manque de se faire massacrer par un peuple qui le prend pour un empoisonneur de fontaine :

"Il voulut se laver à la fontaine. Il avait à peine plonger les mains dans l'eau du bassin qu'il se sentit brutalement saisi aux épaules
(...) Prenez lui ses paquets de poisons, il a déjà du les jeter dans le bassin ? - Videz le bassin .
(...) C'est lui. Pendez-le ! C'est lui. Pendez-le ! A mort ! A mort !"


Alors contre cette population haineuse et apeurée et pour fuir la maladie, Angelo n'a d'autre solution que de se réfugier sur les toits de la ville.



A la tombée de la nuit, Angelo réfugié sur les toits



"A part le clocher à la cage de fer qui, un peu à gauche, dressait un corps carré, (...) il y avait encore, là bas au large, un autre clocher à toit plat surmonté d'une pique..."

"Il resta très longtemps dans une sorte de rêverie hypnotique. Il ne pouvait plus penser. Le clocher sonna. Il compta les coups. C'était onze heures."



"Le chat gris qu'il avait dérangé dans le salon, la nuit passée, mit la tête à la chatière, se glissa en dépêtrant ses pattes du trou, l'une après l'autre, et vint se frotter à lui en ronronnant.
Tu es dodu, lui dit-il en le grattant affectueusement entre les deux yeux, Qu'est-ce que tu bouffes toi ? : des oiseaux ? des pigeons ? des rats ?"




De là-haut, il observera la folie des hommes, déchaînés par la peur et la rage meurtrière à trouver un bouc émissaire à cette épidémie aveugle.

"La chaleur pétillait sur les tuiles. Le soleil n'avait plus de corps ; il était frotté comme une craie aveuglante sur tout le ciel ; les collines étaient tellement blanches qu'il n'y avait plus d'horizon."

Affamé, Angelo décide de descendre  au travers d'une lucarne dans une maison pour se ravitailler :

"Il réussit à s'arracher et à rouler à l'intérieur où il fit un assez grand bruit en tombant sur le parquet de bois."

Angelo descendit un à un les escaliers jusqu'au deuxième étage :

"A partir d'ici il y avait un tapis dans l'escalier. Quelque chose passa entre les jambes d'Angelo. Ce devait être le chat." (...) Angelo était sur la vingt et unième marche, entre le second et le premier quand, en face de lui , une brusque raie d'or encadra une porte qui s'ouvrit."




"C'était une très jeune femme. Elle tenait un chandelier à trois branches à la hauteur d'un petit visage en fer de lance encadré de lourds cheveux bruns".
"Je suis un gentilhomme, dit bêtement Angelo."
Il y eut un tout petit instant de silence et elle dit :
" Je crois que c'est exactement ce qu'il fallait dire."




"Elle tremblait si peu que les trois flammes de son chandelier étaient raides comme des pointes de fourche.
" C'est vrai dit Angelo."

Et c'est ainsi qu'Angelo rencontre Pauline dans une maison de Manosque où elle est hébergée par ses tantes, il a pénétré par une lucarne du toit dans cette maison la croyant déserte, il est affamé et espère se ravitailler...


Tous les textes en italique de cet article sont extraits du "Hussard sur le toit" de Jean Giono