J'aurais aimé...

J’aurais aimé Manosque et la Provence comme berceau de mon enfance !
J’aurais aimé séjourner au Paraïs !
J’aurais aimé avoir 20 ans au Contadour pour vivre la grande aventure ! Lire la suite...

lundi 29 avril 2013

" Un camp de concentration qui se trouve dans la montagne"


Saint-Vincent-les-forts

Ce village des Alpes de Haute-Provence est dominé par une forteresse Vauban et surplombe le lac de Serre-Ponçon


"A la libération, Jean Giono est accusé injustement de collaboration et  le 27 Septembre 1944 il est emprisonné à Digne, puis transféré à sa demande à Saint-Vincent-les-Forts dans une ancienne caserne qui sert à l'époque de prison. Il y restera jusqu'au 31 Janvier 1945".

"Pour sa vie d'homme dans l'histoire, il a pris le parti d'une sorte de neutralité. Du moment qu'il est impossible d'empêcher les hommes de se battre, il décide de retirer son épingle du jeu. (...) Méconnaissance des réalités de la zone occupée, difficultés financières, naïveté et imprudence de language aidant, cette position aura pour résultats, un reportage photographique dans la revue allemande "Signal"(1),et entre autres, la publication en feuilleton du roman "Deux cavaliers de l'orage" dans le journal "La Gerbe"(2).
Dans le même temps, il procure pendant toute le guerre aide et refuge dans sa propre maison à diverses victimes du nazisme et de l'occupation.
(...) Sa détention hors de Manosque sera due semble-t-il, tout autant aux accusations de collaboration portées contre lui qu'au souci qu'ont certains de le mettre à l'abri des vindictes locales".
D'après Giono, Un divertissement de roi d'Henri Godard


Le village de Saint Vincent aujourd'hui


"Fatigué d'être dans cette prison de Digne ou l'on ne peut se promener que dans de petites cours, je dis précisément à un des chefs de la résistance :
- Fais-moi envoyer à ton "camp de concentration" qui se trouve dans la montagne, à Saint-Vincent-les-Forts. J'y serai plus à mon aise, on y est en pleine nature, il y a des forêts".

Et il m'y envoie ! Et là, continue encore la prison comme celle dont je vous ai parlé, la prison militaire, à cette différence c'est que ce n'est plus une cellule, je suis avec des quantités de gens (...) du département que je connaissais presque tous et avec lesquels nous commençons à avoir une petite vie régulière.

(...) L'hiver s'approchait, nous étions à presque deux mille mètres d'altitude, il commençait à faire froid et nous avions organisé nous-mêmes des corvées pour aller chercher du bois.
(...) On partait tous les jours dans la forêt (...) on rentrait le bois, on le sciait, c'était extrêmement joyeux".
Jean Giono, Entretiens avec Jean Amrouche et Taos Amrouche


Plaque fixée sur le mur de la mairie de Saint Vincent

11 Novembre 1944

"A première vue, il semblerait qu'en prison on peut faire tout ce que l'on veut. J'avais décidé d'écrire ici chaque jour. On est en principe libre de son temps du matin au soir. En fait, dans ces prisons collectives, on est prisonnier de ses camarades. On assiège littéralement ma paillasse. Je n'ai ni le temps d'écrire ni la paix pour le faire". 
Jean Giono, Journal (publié en 1995 - bulletin n° 44 de l'Association des Amis de Jean Giono)


16 Novembre 1944

"De guerre las, dégoûté de combats et de débats, je ne lutte plus. Je ne regarde plus ni vers le passé, ni vers le futur. J'accepte le présent, la prison la non-vie ; il va y avoir peut-être encore deux ou trois petits sursauts de poissons tirés du filet, puis la belle immobilité, la rigidité dans ses propres écailles pétrifiées".
Jean Giono, Journal (publié en 1995 - bulletin n° 44 de l'Association des Amis de Jean Giono)


27 Décembre 1944

" Ce soir, j'ai fait une petite conférence sur la constitution de l'univers. Chambre enchantée. On me réclame une autre causerie pour demain. Je propose de la faire sur la vie de Cerventès et le Don Quichotte. J'essaie de me trouver de petits moyens à la Fabrice Del Dongo. Pauvres moyens. Je ne dispose pas de la hauteur de la chaire et de l'ornement ecclésiastique ni de l'auditoire qui remplit l'église. J'en suis réduit à l'imaginer caché dans un coin et m'écoutant".
Jean Giono, Journal (publié en 1995 - bulletin n° 44 de l'Association des Amis de Jean Giono)



La porte d'entrée du fort de Saint Vincent



Depuis le fort la vue magnifique sur le lac de Serre-Ponçon

(1) Revue "Signal" : Revue allemande qui pendant la seconde guerre mondiale servait de propagande

(2) Journal "la Gerbe" : Journal collaborationniste français crée en 1940 

dimanche 28 avril 2013

Entre les murs du fort Saint Nicolas

MARSEILLE, le fort Saint Nicolas



Le fort Saint Nicolas aujourd'hui
Le Fort Saint Nicolas, appelé "la Citadelle" par les marseillais, est un fort surplombant le port de Marseille. Il a été édifié de 1660 à 1664 par le Chevalier de Clerville sur ordre de Louis XIV afin de mater l'esprit d'indépendance de la ville de Marseille. Le fort sera une prison jusqu'à la fin de la dernière guerre.

Jean Giono, qui avait été arrêté à Digne le 16 Septembre 1939 à cause de ses publications pacifiques antérieures et de la diffusion d'un tract (Paix immédiate) portant son nom et des extraits de ses livres,  fut incarcéré au fort. Il est libéré à la mi-Novembre après la prononciation d'un non-lieu, l'ensemble des chefs d'accusation étant minces et portant plutôt sur l'ensemble de ses activités pacifistes depuis "Refus d'Obéissance", il est démobilisé le 18/11 et libéré de toute obligation militaire.
Source internet




"Haut sur l'horizon et murant entièrement tout le fond de la Canebière, le magnifique corps en forme de couronne du fort Saint Nicolas ; le grand mur du fort qui me fait face, se termine vers la gauche par une belle arête de proue. C'est exactement dans cette proue que j'avais ma cellule en 1939".
Jean Giono, Noé
" C'était une cellule pour un seul prisonnier dans laquelle nous étions deux. On était obligé de doubler les cellules parce qu'il y avait beaucoup trop de prisonniers. Je lui racontais des histoires sur les étoiles. Il y avait au sommet de notre porte cet endroit grillagé par lequel le prisonnier reçoit l'air. Cet endroit grillagé donnait en plein ciel parce que c'était une cellule qui se trouvait au sommet du fort Saint Nicolas à Marseille. Dans cette cellule, le soir quand la nuit tombait, que nous étions couchés, arrivait au bout d'un certain moment une toute petite étoile. A partir de cette toute petite étoile, je pouvais me permettre de raconter à Joseph de petites histoires".
Jean Giono, Entretiens avec Jean Amrouche et Taos Amrouche




"J'y avais, au long des solitudes du quartier des droits communs, savouré les étranges voluptés des échos, de l'ombre, du froid et des voyages dans l'entrecroisement vertigineux d'échelles de Jacob qu'une âme sensible ne manque pas d'échafauder dans le vide des bâtiments à vastes carcasses. Il en était né, non pas un personnage mais un curieux volume informe de sentiments divers, quelquefois contradictoires, à quoi la contradiction même, donnait l'unité et la vie".

(...) "Ce qu'on pouvait simplement en dire, et je me l'étais dit, couché, les yeux ouverts sur ma couchette étroite, c'est que c'était bien un personnage à faire arriver en face d'un poète au détour d'un chemin".
Jean Giono, Noé

samedi 27 avril 2013

Saint Julien en Beauchêne et Baumugnes...Terre de vacances et d'inspiration!

 

 Saint-Julien-en-Beauchêne



"Ici, nous sommes à la limite de la Provence et des Alpes, pas très loin de cette vallée où la Durance charrie en même temps que les grosses pierres de la montagne le gros et bon esprit montagnard ..."
Jean Giono - Les vraies richesses




Implanté à 923m d'altitude, au confluent du Büech et de la Burraine, en bordure de la forêt de Durbon, Saint-Julien était autrefois une station de moyenne altitude, fréquentée en particulier par une clientèle provençale qui y trouvait un climat favorable et salubre (air pur et sec). Etape sur la RN 75 reliant Nice à Grenoble et appelée "route d'hiver des Alpes". C'est donc après plusieurs séjours dans le Beauchêne en compagnie de son épouse et de ses filles Aline et Sylvie, à partir de 1928, que l'écrivain publia le livre "Un de Baumugnes", référence au petit hameau perché non loin du village et dont il ne reste que quelques maisons et une chapelle...Source internet






La gare de Saint-julien-en-Beauchêne

"C'est "Un de Baumugnes" qui nous a mis dans ce train. Cette ligne est même le meilleur itinéraire pour repérer la géographie du roman. Puisque tout au long de la voie ferrée, les lieux se succèdent comme dans les pages du livre.

(...) Mais c'est une fois franchi le col de la Croix Haute seulement, qu'on entre dans "Un de Baumugnes". Car voici Saint-Julien-en-Beauchêne, où naquit ce roman."
Dominique Le Brun - Le bâton de Colline





Au hasard des ruelles de Saint-Julien

 "Depuis longtemps je viens dans ce maigre village de montagne ; il est aux confins de ma terre ; il est aux lisières des monts, assiégé de renards, de sangliers, de forêts et d'eau glacée. De hauts pâturages dorment au milieu des nuages ; le ciel coule et s'en va sous le vent ; il ne reste là-haut que le vide gris et les vols d'aigles silencieux comme le passage des ombres."
Jean Giono, Solitude de la pitié

La maison où séjournait la famille Giono ( photo de 2010)


Et en 2017, en cours de restauration


Une plaque avec nom de rue a été ajoutée en hommage à l'écrivain

Baumugnes 


Depuis longtemps, lorsque j'emprunte cette nationale  entre le col de la Croix Haute et Aspres-sur-Buëch, je rêve de monter à Beaumugne (1)... Cette petite pancarte sur le bord de la D1075 m'attire irrésistiblement et le nom chante dans ma mémoire, tout cela sans pour autant oser faire le détour. Ce fut fait cet été, une toute petite route bordée de chênes verts qui serpente à flanc de colline et où il est difficile de croiser un autre véhicule, des paysages harmonieux et majestueux, quelques vaches, une fromagerie, une chapelle et enfin une poignée de maisons forment ici un joli ensemble. 
Et là soudain toute l'oeuvre de Jean Giono est à portée de mes yeux !!... 

"Dans le matin, si tu arrivais, au bout de ton pas, sur le rebord de Baumugnes (c'est guère possible, mais admettons) si tu arrivais, dans le matin, ce serait dix maisons et le poids silencieux de la forêt."
Jean Giono - Un de Baumugnes

Le village de Baumugne

" Dans la plupart de ces maisons, mes livres sont sur la cheminée de la cuisine, entre la boîte à sel et le bougeoir. Et on les prend pour ce qu'ils sont  : de simples histoires d'espérance."
Jean Giono - Les vraies richesses






"Je passe à l'embranchement ou est planté le poteau : "Route de Baumugnes". Je m'arrête un moment. L'air est glacé.(...) Le vent fait toujours le même sifflement dans les rochers qui marquent l'ouverture du chemin. Il me semble que je suis revenu au temps où j'écrivais ici mon livre. Parmi vous qui m'avez aidé, parmi vous qui avez tout fait."
Jean Giono - Les vraies richesses


La route pour monter à Beaumugne, juste avant (ou après, selon) Saint-Julien



(...) Je me souviens que je venais ici tous les matins jusqu'à cet embranchement regarder la plaque de bois ou le bûcheron a écrit avec du goudron :"Route de Baumugnes". Puis je revenais à la maison imaginer cette histoire dont vous m'avez dit un jour qu'elle était plus vraie que la vérité."
Jean Giono, Les vraies Richesses






"Moi, j'ai dans moi Baumugnes tout entier, et c'est lourd parce que c'est fait de grosse terre qui touche le ciel, et d'arbres d'un droit élan ; mais c'est bon, c'est beau , c'est large et net, c'est fait de ciel tout propre, de bon foin gras et d'air aiguisé comme un sabre.
Baumugnes !
La montagne des muets ; le pays ou l'on ne parle pas comme les hommes."
Jean Giono - Un de Baumugnes



Harmonie du paysage sur la route de Baumugnes


"...Et ils sont arrivés sur cette petite estrade de roche, au bord des profondeurs bleues, tout contre la joue du ciel, et il y avait encore un peu de terre à herbe, et ils ont fait Baumugnes..."
Jean Giono - Un de Baumugnes


La chapelle en arrivant sur le plateau

(1) l'orthographe de Beaumugne est différente entre l'écriture de Jean Giono et le nom du hameau en 2017

Pour terminer, une bonne petite adresse, toute simple, pour faire une halte au soleil sur cette route des vacances : Le restaurant "Les Alpins" à Saint-Julien.






dimanche 21 avril 2013

"Le soleil n'est jamais aussi beau qu'un jour ou l'on se met en route"...

 La ronde des bergeries de pierres sèches







"Enfin, à travers les petits arbres, Angelo aperçut une bergerie, ses murs étaient couleur de pains et elle était couverte de lauzes, qui sont d'énormes pierres plates très lourdes. Angelo tourna dans le chemin ; Il pensait trouver là un peu d'eau pour le cheval. La bergerie dont les murs étaient arc-boutés comme ceux des églises et des fortins, n'avait absolument pas de fenêtres et, comme elle tournait le dos à la route, on ne voyait pas non plus de porte". 
Jean Giono, Le hussard sur le toit



Partons pour cette randonnée dont le départ se situe au bout de la route du Contadour sur l'aire de l'Auberge de Tinette.


Le Jas des terres du Roux
Quatre murailles de pierres sèches font du Jas des terres du Roux un refuge contre le froid. Il est bâti dehors comme une forteresse avec de hauts murs contre les deux ennemis, le grand vent et le grand soleil. Ces murs sont hauts pour abriter de l'un, et très épais avec de petites fenêtres pour abriter de l'autre ! Et ceci afin de garder un peu de fraîcheur bienfaisante sous le soleil de l'été.
Source internet

Le Jas des Agneaux

En direction du sommet du Larran (1379m) nous découvrons le Jas des Agneaux, en bien mauvais état! Des tôles ondulées et des tuiles au sol ont dû servir de toiture. Il se dit que c'est le lieu de tournage de film de Jean Giono "Crésus" en 1960,  ce n'est pas le lieu exact, celui-ci est situé à quelques centaines de mètres sur cet immense plateau battu par les vents.
Source internet


La bergerie des Fraches


Voici la bergerie des fraches, il ne reste de cet ouvrage que les murs et les arches supportant le toit, on utilisait à l'époque des cintres en bois, on y posait des pierres plates sur leur tranchant jusqu'à former l'arche, ensuite on rajoutait la pierre centrale qui servait de clé de voute et le tout tenait par la seule force de gravité (opposée à la force des murs).
Source internet


La bergerie tunnel


Cette belle randonnée se termine avec un dernier édifice, c'est une bergerie tunnel, toute en longueur (20m) avec une toiture en mauvais état, mais cependant accueillante à l'intérieur, il a fallu la construire avec un coffrage en bois que l'on déplaçait vers le fond au fur et à mesure de la construction.
Source internet



mardi 16 avril 2013

L e Contadour, "Mythes et réalités"

                                   Le Contadour, vers la joie !


"Après le dîner, le soir, nous nous réunissions autour de l'âtre illuminé. Et nous racontions des histoires. On m'avait tout de suite interrogé mais j'avais refusé de répondre. Vous m'interrogiez sur la joie, camarades, et vous étiez joyeux ! Que répondre ? (...) A quoi servirait de vous répondre si vous ne saviez pas en même temps de quoi je suis riche, si vous ne saviez pas ce que je désire pour vous. (...) Si il y a tant de ressources en nous quand nous n'avons plus rien, de quoi ne serons-nous pas capables quand nous avons quelque chose ? Je donne ce que j'aime à ceux que j'aime. Pour que nous ayons des sacs également chargés sur la route. Vers la joie".
Jean Giono, préface aux Contadouriens - les vraies richesses



Jean Giono et Lucien Jacques au Contadour

"Dans l'écheveau trop emmêlé de notre société, Giono, au Contadour voulait tout reprendre au début. Il espérait que l'homme comprendrait enfin qu'il est unique, et que c'est en faisant un fantastique effort de fraternité qu'il pourrait se sauver et retrouver la sérénité. 

(...) Le Contadour reste un merveilleux souvenir que Jean Giono a essayé d'effacer comme une tare grave".

Pierre Pellegrin, Le Contadour - Mythes et réalités 1992


Tableau et dessin de Lucien Jacques représentant le plateau du Contadour


LE BONHEUR 



"Lorsque j'ai débouché sur le plateau, je l'ai aperçu
Il était là,
Immobile sous le ciel immense
Malgré les années, je l'ai tout de suite reconnu.
Parmi l'Hysope, la sauge, la lavande et le thym,
Il était là !
Surgi de vos rires, vos sourires et vos regards
Il était là !
Sur les fruits cueillis et partagés
Il était là !
Dans les pas de Jean Louis notre berger, dans la parole de René,
Il était là !
Au coeur des multiples rencontres simples et généreuses
Il était là !
A fleur de cerf volant et de pierres sèches
Il était là !
Doux, tendre, chaud, palpitant comme une caresse
Il était là !
LE BONHEUR !! "
Marie Christine Talon, Août 1995 (à propos des petits Contadours)



lundi 15 avril 2013

Un foyer de poésie vivante...

Le Contadour


"Tout a commencé là, nous ne sommes partis qu'après avoir acheté tous ensemble, une maison, une citerne et un hectare de terre autour, là est désormais notre habitation d'espoir".
Jean Giono, Les vraies richesses




Les vestiges du moulin aujourd'hui

"Des deux maisons que nous avons eu au Contadour, la première s'appelait 'le Moulin' ; Près d'elle restaient les ruines d'une tour en grosse maçonnerie, jadis porteuse d'ailes, mais abandonnée à la suite de je ne sais quelle loi(...) . Rebâtir la tour, c'était facile ; les pierres étaient sur place, le maçon aussi ; c'était moi. Pourtant nous ne l'avons pas fait. Peut-être même ne l'avons nous jamais envisagé sérieusement. 
(...) Ne fallait-il pas que resta béante la grande brèche de la tour pour recevoir ce blé des constellations qui coulait vers elle à pleine voie lactée?"
Alfred Compozet, Le pain d'étoiles 1980


Les graves aujourd'hui

"Elle était à moins de 50m de la route, quoique si bien aplatie au sol dans un pli du terrain que venant de Banon, on on ne pouvait voir qu'un bout de toit, si roux, si charrué qu'on le confondait avec les chaumes d'alentour. Mais peut-être n'existait-elle pas avant ce jour et venait-elle de surgir par enchantement elle aussi, juste assez vétuste pour que nous puissions croire à sa réalité mais de toute évidence faite pour nous et prête à nous accueillir".
Alfred Compozet, Le pain d'étoiles 1980



" Dans la journée, les travaux, les commissions au village, les balades par petits groupes, les parlotes à trois ou quatre nous dispersaient, mais le soir nous étions tous réunis autour de l'unique lampe. On faisait un grand feu, on bourrait les pipes ; Jean lisait quelques pages du livre en chantier ; Lucien disait des poèmes. Souvent ces lectures étaient le point de départ d'un débat. La Paix, l'Art, la Civilisation industrielle, l'Education, bien des sujets furent agités. Presque chaque soir on écoutait des disques.
(...) Après la veillée, ceux qui couchaient sous la tente ou dans quelque grange, endossaient canadiennes et pélerines et partaient dans la nuit. Les autres gagnaient à l'étage qui la paille, qui son sac de couchage".

"C'est sans doute parce que né du hasard, du plaisir d'être ensemble et de l'enchantement, c'est-à-dire de causes absolument irrationnelles que le Contadour a toujours été si difficile à définir".
Alfred Compozet, Le pain d'étoiles 1980

mercredi 3 avril 2013

L'aventure du Contadour,


"Il y a sur terre, de beaux moments, bien tranquilles"




" Un grand tapis magique, suspendu dans les étoiles et au bout, là bas, le Ventoux dort comme une tortue bleue avec la tête dans le sable"
Jean Giono,

Le mont ventoux depuis le plateau du Contadour

1935 - 1939 - JEAN GIONO ET LE CONTADOUR



Le 31 Août 1935, un groupe de randonneurs se retrouve au rendez-vous fixé à Manosque, prêts à tenter ce qui représentait pour beaucoup d'entre eux la grande aventure de leur vie. Tous admirateurs de l'oeuvre de Giono et qui voulaient rencontrer l'écrivain, la randonnée va durer trois jours, au terme du troisième jour, après un bivouac à Vachères et un autre à Banon et Jean Giono s'étant luxé le genou, l'équipe arrive au Contadour et s'y installe.
Le séjour sera magique, grâce au talent de Giono le conteur avec sa verve habituelle, ses histoires de bergers et d'étoiles, les compagnons vivent au quotidien la poésie des grands espaces, de la nature sauvage. L'aventure humaine est tellement forte qu'au bout de 15 jours les participants décident de renouveler l'expérience à Pâques et en été. Il y aura ainsi neuf "Contadours" jusqu'en Septembre 1939.
Source, Jean Louis Carribou






" Je n'ai jamais rencontré dans ma vie, quelqu'un d'aussi enthousiaste à faire partager le bonheur d'une nouvelle vie. Elle était là, à portée du vouloir. Giono, par la parole, savait la placer dans le coeur, d'un sceau indélébile".
Pierre Pellegrin, Le Contadour - Mythes et réalités 1992







" j'avais reçu une lettre m'invitant de la part de Giono à aller le voir et à me joindre à ses amis du Contadour.
Qui étaient ses amis? Qu'était le Contadour? On m'avait dit : C'est une ferme collective,  c'est un camp de fadas! mais où? oh! pôvre! C'est plus haut que Banon! A Banon vous prendrez la route du Revest et à trois kilomètres vous verrez l'écriteau. Il y a déjà toute la bande là haut!
D'ou je venais peu importe, car après la dernière friche envahie de genêts, on arrivait sur une crête au bord d'un vallon et là ma vie a basculé..."

"J'allais devenir le berger de ce troupeau de l'amitié, surtout de la terre promise, dans ces temps troublés, chariot de toutes les espérances, j'emportais le Contadour avec moi".
Alfred Compozet, Le pain d'étoiles 1980


lundi 1 avril 2013

"La terre appartient à qui sait la voir"

                                 

              Elzéard Bouffier, l'homme qui plantait des arbres...


La montée Elzéard Bouffier à Banon

"J'avais six ou sept ans et j'accompagnais mon père dans ses promenades, il portait dans sa poche un petit sac qui contenait des glands. Il avait une canne à bout ferré, à certains endroits des collines, sur quelques replats, devant une belle vue, dans les vallons, près des fontaines, le long d'un sentier, mon père faisait un trou avec sa canne et enterrait un gland, ou deux, ou trois ou cinq, ou plus.
C'était une joie sans égal, joie de le faire, joie d'imaginer la suite qu'allait donner la nature à ces gestes simples. Tout en continuant ces sortes de plantations nouvelles, nous allions visiter celles des années précédentes, les glands plantés dans ces conditions donnent naissance à des chênes une fois sur dix, c'est une belle proportion. Quels cris quand nous découvrions un de nos sujets bien robustes".
Jean Giono, Notice dans la pléiade


Un berger aux Graves


"Il s'était retiré dans la solitude ou il prenait plaisir à vivre lentement avec ses brebis et son chien"
Jean Giono, L'homme qui plantait des arbres



"Le berger qui ne fumait pas alla chercher un petit sac et déversa sur la table un tas de glands. Il se mit à les examiner l'un après l'autre avec beaucoup d'attention, séparant les bons des mauvais, je fumais ma pipe. je me proposais pour l'aider. Il me dit que c'était son affaire. En effet voyant le soin qu'il mettait à ce travail, je n'insistais pas.
(...) Il fit sortir son troupeau et il le mena à la pâture. Avant de partir, il trempa dans un seau d'eau le petit sac ou il avait mis les glands (...) Je remarquai qu'en guise de bâton, il emportait une tringle en fer grosse comme le pouce (...) Il laissa le petit troupeau à la garde du chien.
(...) Arrivé à l'endroit ou il désirait aller , il se mit à planter sa tringle de fer dans la terre, il faisait ainsi un trou dans lequel il mettait un gland, puis il rebouchait le trou. Il plantait des chênes".
Jean Giono, L'homme qui plantait des arbres



Dessin de Lucien Jacques,bergers au Contadour



"Quand je réfléchis qu'un homme seul, réduit à ses simples ressources physiques et morales, a suffi pour faire surgir ce pays de Canaan, je trouve que, malgré tout, la condition humaine est admirable. Mais quand je fais le compte de tout ce qu'il a fallu de constance dans la grandeur d'âme et d'acharnement dans la générosité pour obtenir ce résultat, je suis pris d'un immense respect pour ce vieux paysan sans culture qui a su mener à bien cette oeuvre digne de Dieu.
Elzéard Bouffier (1) est mort paisiblement en 1947 à l'hospice de Banon".
Jean Giono, L'homme qui plantait des arbres


(1)Bien des gens se sont demandés si le personnage de ce berger sublime était fictif ou non... Jean Giono laissa planer le mystère, mais dans une lettre qu'il envoya au conservateur des Eaux et Forêts des Basses-Alpes, en 1957, précisa enfin : "Navré de vous décevoir, mais Elzéard Bouffier  est un personnage inventé. Le but était de faire aimer l'arbre, ou plus exactement faire aimer à planter des arbres. " Pari gagné...(source internet)