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jeudi 31 octobre 2013

Hortense, où l'Eau Vive...


"Une magnifique fresque provençale"


En 1956, Jean Giono écrit en collaboration avec Alain Allioux, le scénario et les dialogues du film de François Villiers "L'Eau Vive" qui sera présenté au Festival de Cannes en 1957.
Cette histoire retrace la vie d'une famille sur plusieurs générations, dans les montagnes de l'Ubaye.
Vers 1880, Martin Fabre s'établit dans cette contrée sinistre et s'enrichit dans le commerce du bois. Ce pays sévère change cependant lorsque la Durance est en voie d'être domestiquée par le Barrage de Serre-Ponçon.
Félix, le fils de Martin a su acheter des terrains destinés à être engloutis et les revendre avec un énorme bénéfice, il a une fille, Hortense, il cache son magot, se méfiant de sa famille et bien décidé a en faire profiter sa fille, mais il meurt.
Hortense raconte à son oncle Simon, comment, après la mort de son père, séquestrée par sa famille dans la cave de la maison paternelle d'Ubaye, promise à la noyade lors de la montée des eaux du lac, elle s'est échappée et a retrouvé l'argent caché par son père dans un poste de télévision!



Film tourné en 5 ans, "L'Eau Vive", c'est à dire la Durance, est entrain de bouleverser quelques millions de vies humaines. La disparition du village de Savines, qui sera reconstruit plus loin et du village d'Ubaye  dont les habitants , très pauvres se trouvent miraculeusement enrichis par les sommes versées pour les exproprier.
Alors Jean Giono, sans prendre la peine de changer le nom des villages, sans compter même sur le recul du temps, brosse une magnifique fresque provençale.

C'est un film tourné en décors naturels, sur les lieux mêmes de l'action, à la saison exacte, d'une authenticité scrupuleuse, une senteur particulière, celle-là même de la chaude terre provençale.
G.M. Tremois - Radio Ciné






Joséphine 
"Il va falloir que nous déménagions tous à Savines, moi comme les autres. Tu sais bien que Savines va être noyée."
Simon 
"On en a parlé. De là à ce que ça se passe."
Joséphine 
"Ça se fait. La preuve, c'est qu'on a commencé à nous payer pour qu'on s'en aille. Je connais cinq familles qui sont déjà parties. Tu regardera demain matin en passant dans la grande rue. Les volets sont clos. On dirait des maisons de morts. Quand la moitié seulement des maisons de Savines auront fermé leurs volets comme celles-là, on se croira revenus au temps du choléra."
Simon 
"Et l'usine, Joséphine?"
Joséphine 
"L'usine comme le reste, avec sa grande cheminée et toutes ses machines, la gare avec son horloge et sa sonnette. L'église avec ses cloches, l'école avec ses bancs, la mairie avec sa Marianne, le cimetière avec ses croix."
Simon 
"Tu exagère, Joséphine. Avant que l'eau n'arrive, on vous donnera le temps de déménager vos cloches et votre Marianne."
Joséphine 
"Savoir quand l'eau viendra?"
Simon 
"Il y a des ingénieurs qui sont payés pour le savoir ma belle!"


Savines, avant la démolition (source internet - site de la mairie de Savines)



Jean Giono, au premier plan, de dos
 sur le tournage de l'Eau Vive (source internet INA.fr)
Hortense 
"Regarde, Oncle, tous ces camions. Ils ont des roues comme des meules de blé. Ils vont nous écraser nos moutons. Ils vont nous les tuer l'Oncle."
Simon 
"On ne tue pas les moutons, Grenouille, on les mange."
Hortense  
"J'ai peur, l'Oncle."
Simon 
"Peur, mais de quoi, Grenouille?"
Hortense 
"De tout. Des roues, des hommes avec leurs casques, des camions qui sortent de la montagne, des tunnels avec leur nuit au fond, des montagnes toutes nues qu'ils sont entrain de gratter. Tout tremble. C'est du bruit. C'est la guerre, l'Oncle."


Hortense (Pascale Audret) et Simon (Charles Blavette)
 sur un Euclid  (1) (source Radio ciné)

Hortense  était prisonnière dans la cave de sa maison d'Ubaye au moment de la montée des eaux. Sauvée in-extremis , elle a retrouvé l'argent caché par son père dans le poste de télévision. Alors une nouvelle vie va pouvoir commencer...

Simon 
"Qu'est-ce que tu avais dans la tête?"
Hortense 
"On aurait un troupeau. On achèterait une bergerie."
Simon 
"Bergerie, bergerie. Ce serait vite fait, mais ici dans la Crau, dans un pays que tu ne connais pas. Il y en a à vendre. Je pense à une : si tu as deux millions , elle est à toi."
Hortense 
"J'en ai trente!"
Simon 
"Il faudra évidemment un peu la requinquer, comme toi, et, tu verras, elle sera belle comme toi. Cette Crau, avec son peu d'herbe et son trop de pierres, il a suffi jusqu'à présent qu'on l'aime et elle a vécu. Elle a survécu à sa misère."
Hortense 
"Nous monterons à la montagne tous les ans."
Simon 
"Nous monterons à la montagne si tu veux revoir le pays ou tu es née. Parce que l'herbe que nous allions chercher là-haut, on dit que la Durance va nous l'apporter ici, à domicile..." 



Hortense et son oncle Simon - Photo extraite du film (source internet)

"Elle va mettre du limon sur ces terres désertes. Les arbres vont pousser, les vergers vont s'aligner. Cette terre va devenir un pays aimable. Tu l'aimeras comme ton père a aimé l'ancien pays qui est maintenant sous les eaux..." Jean Giono - l'eau vive





La vallée de la Durance en aval du barrage, à hauteur de Rémollon
"Les arbres ont poussé, les vergers se sont alignés. Cette terre est devenue un pays aimable..."



(1) "Les Euclid" - Ballet incessant d'énormes semi-remorques importés des États Unis, marteaux piqueurs, pelles mécaniques et bulldozers.
Le gigantisme de ce chantier est comparable à une fourmilière humaine, le chantier emploiera 2000 à 3000 ouvriers de jour comme de nuit.
(2) Film dont les dialogues sont de Jean Giono est sorti en DVD en avril 2013 - François Villiers - réalisateur, avec Pascale Audret dans le rôle d'Hortense et Charles Blavette dans le rôle de l'oncle Simon et bien sûr dans le rôle principal le chantier titanesque de Serre-Ponçon!

dimanche 27 octobre 2013

Serre Ponçon, La Durance et l'Ubaye maîtrisées, des villages sacrifiés...


Des villages engloutis...


A la construction du barrage, plusieurs villages situés dans la vallée de la Durance et de l'Ubaye sont amenés à disparaître, toutes les constructions situées à une altitude inférieure à 780 m seront détruites, c'est le triste sort de Savines, Ubaye, Ile du Rousset et autres hameaux.
Savines sera reconstruit, Ubaye disparaitra...


"On commença à parler d'une entreprise qui devait transformer toute la vallée de la Durance jusqu'à Savines et celle de l'Ubaye jusqu'à Ubaye. C'était là, une idée folle. Il s'agissait d'établir un barrage sur la Durance à l'endroit appelé Serre-Ponçon, où deux contreforts de montagnes resserrent la vallée. Ce barrage ferait s'établir un lac par la retenue d'eau de la Durance et de l'Ubaye.
Le projet prévoyait que les villages d'Ubaye et de Savines seraient engloutis par les eaux. C'était, parait-il, pour faire de l'électricité.(...) Il eut bientôt la certitude que le projet allait être mis en chantier, il attendait la confirmation d'une autre série de conversations aussi innocentes que les premières. Enfin il fut tout à fait renseigné.
Rien n'avait changé encore, ni à Ubaye, ni à Savines, ni à Serre-Ponçon. C'était toujours des lieux sauvages et paisibles."
Jean Giono - L'Eau Vive

Savines avant la démolition

Sur le côté, les premières maisons de Savines s'offrent à notre regard. La plupart sont déjà démolies. Au pied du nouveau pont, une statue de bronze qui sera elle aussi immergée représente la République. A son bras les habitants ont accroché un drapeau tricolore.
F. Baussan - Le Méridional





Le 3 Mai 1961, le nouveau pont de Savines
et le dynamitage de l'ancienne église (paris-Match)


L'abbé Ferraro fit la une des journaux, après avoir vu son église disparaître il récupèrera la croix du clocher dans les décombres.
Source Paris-Match



La chapelle Saint Michel, située non loin de Savines, devait elle aussi, disparaître, mais à la dernière minute on décide de la conserver , puisqu'elle est au dessus de la côte maximale du lac. Elle est désormais installée sur une île.
D'après source Muséoscope du Lac


La Chapelle Saint Michel,au début de la mise en eau du barrage
Et après ...
Peuplé d'environ 180 habitants, Ubaye est à mi-chemin entre Gap et Barcelonnette. Contrairement à Savines, Ubaye n'a pas été reconstruit, il a disparu sous les eaux, le film l'Eau Vive écrit par Giono raconte cette histoire inspirée de la création du barrage.

Démolition de l'église d'Ubaye par un bulldozer
"Ils vont raser nos maisons. Ils n'en veulent pas au fond de leur lac. Ils disent qu'on les verrait et que ça ferait mauvais effet. Tu sais jusqu'où il va leur lac ? Jusqu'à la porte du cimetière !!"
Jean Giono - L'Eau Vive


Les habitants ne voulant pas que leur cimetière disparaisse sous les eaux, décident de le déplacer et le remonte pierre par pierre, il se trouve sur la route entre Barcelonnette et le Sauze-du-lac.



Le cimetière d'Ubaye déplacé sur les rives du lac. 


Stèle à la mémoire du village
Joséphine 
"Et toi, Hortense, à Ubaye? Ça va être noyé aussi à Ubaye? Qu'est-ce qu'il en dit ton père?"
Hortense 
"Il dit comme vous, tante, que ça va être noyé".
Jean Giono - L'Eau Vive




Serre-Ponçon avant la mise en eau
La mise en eau du  barrage s'est effectuée en 18 mois. Elle a débuté en Novembre 1959. Le lac a atteint sa côte maximale de 780 mètres le 18 Juin 1961.
Source Muséoscope du lac

dimanche 20 octobre 2013

La grande épopée du barrage de Serre Ponçon...


"La Durance, elle, s'est arrêtée à Serre Ponçon,  contrainte,  forcée par l'homme et désormais prisonnière d'un barrage d'une capacité de 1270 millions de mètres cubes".


Le barrage de Serre Ponçon

 L'idée d'un barrage sur la Durance remonte à l'année 1856. C'est en 1912 qu'Ivan Wilhelm, ingénieur des ponts et chaussées d'origine russe, publie un ouvrage ou il montre la nécessité de réguler le cours de la rivière. Il ne verra jamais la réalisation puisqu'il meurt en 1951 et les travaux débutent en 1955 et vont durer 54 mois jusqu'en 1961. Le barrage est fait d'une digue de terre compactée, de 650m d'épaisseur à la base avec un noyau central d'argile, le premier exemple de ce type en France.Source Muséoscope du lac -Espinasses (1)

Il disait en 1909 :
" Nous pourrons, dans une dizaine d'années, contempler un des plus grands barrages du monde et admirer le lac artificiel qui constituera une attraction peu ordinaire, dans un site sauvage et grandiose. Nombreux seront les touristes qui viendront parcourir les rives ou naviguer sur les eaux bleues dans lesquelles se mirent les hautes cimes du Morgon et du Colbas"
Ivan Wilhelm - La Durance 1909

Croisière sur le lac 
Entre ciel et terre, le belvédère du Sauze-du-lac
En perspective, la grande digue, le bassin et le canal EDF

" Les eaux du Lac de Serre Ponçon recouvrent désormais le confluent de la Durance et de l'Ubaye, rivière montagnarde dont les flots se noient discrètement dans le grand réservoir".
C. Gouron - H. Vesian - Serre Ponçon, Voyage photographique



La branche Ubaye du lac vue du belvédère de Saint Vincent-les-Forts 


L'Ubaye à Barcelonnette

Et puis, il y a Embrun, la majestueuse, bien établie sur son Roc, protégée par ses montagnes  et dominant la Durance, c'est une jolie cité discrète et secrète à l'âme déjà provençale, toute ensoleillée, fontaines, placettes, façades colorées, ruelles ombragées, terrasses avenantes, tout y est ! Elle dispose grâce au lac d'une grande base de loisirs et d'un plan d'eau très prisés des touristes. Il y fait bon vivre.


Embrun posée sur son rocher


"Ce fut d'abord, la ville elle-même, allongée sur son roc en forme de navire, déroulant de la proue à la poupe la théorie de ses maisons blanches ou grises, trouant l'azur d'un mat de pierre qui est la flèche de sa cathédrale, au repos dans un espèce de golfe immense tout hérissé de vagues qui dorment."
Clovis Hugues - Le temps des cerises 1948


La place de la mairie d'Embrun
Un jour de marché


jeudi 3 octobre 2013

Histoire de la Durance, cette "Eau Vive"...


"Ce n'est pas qu'elle soit méchante, mais pour elle le bien et le mal, c'est pareil" Jean Giono


La Durance prend sa source dans les flancs de la montagne à l'ubac de Montgenèvre et se jette dans le Rhône au sud d'Avignon. Elle est considérée comme une rivière capricieuse et dévastatrice.


La Durance à Embrun

"La Durance a mordu de ses eaux amères la grande montagne des Alpes : Elle a scié les granits, elle a désagrégé les grès, elle a fondu les terres, emporté des arbres, les prés, les débris de ponts, une ferme ou deux avec les petits au berceau.
De tout cela, elle a fait son lit : La plaine. Elle l'a tassée durement en la battant de sa queue grise ; la terre a eu peur.
Jean Giono - Manosque-des-plateaux



La plaine de la Durance vue du plateau de Ganagobie
au fond, le plateau de Valensole

"Un petit ruban de terre, entre les collines et les bois fous de la Durance, ça peut avoir dans les 100m  de large aux bons endroits.
D'un bord, l'eau, et quelle eau !! La rage des montagne, de l'autre les collines et quelles collines !! le plateau de Valensole , des rochers, des épines, comme pour monter au ciel."
Jean Giono


La Durance à hauteur de Lurs
"Les bois fous de la Durance"
Jean Giono au bord de la Durance -photo Album Giono - L a Pléiade

Cette rivière est aussi une voie de transport pour le commerce du bois du Moyen âge au dernier quart du 19e siècle. Les troncs d'arbres sont abattus dans les forêts de sapins, mélèzes et épicéas, sont ensuite assemblés entre eux par des liens végétaux pour constituer des radeaux.
Des hommes de métier, nommés radeliers, fabriquaient puis conduisaient ces embarcations de Saint Clément sur Durance jusqu'au Rhône.
C'est l'arrivée du chemin de fer qui mit fin à cette activité.
Muséoscope du lac - La formidable histoire de la construction du barrage de Serre Ponçon



La fête des radeliers à Embrun (1)

-"Ecoute, dit Matelot, c'est pressé. Tu as regardé l'eau aujourd'hui?
-Oui, et tout hier.
- Du côté du grand courant?
- Oui.
- Tu as vu passer nos arbres?
- Non.
- Sûr?
- Sûr. 
- Tu peux dire avec moi, Antonio. Je suis vieux mais j'attends tout. Ne dis pas non si c'est oui.
- C'est non.
- Des troncs de sapin. La marque c'est la croix. J'ai toujours donné l'ordre qu'on les marque des quatre côtés. Même si ça roule on doit voir. C'est toujours non?
- C'est toujours non, dit Antonio."
Jean Giono - Le chant du monde


Base de loisirs d'Embrun
Les radeliers ont formé un pont avec les radeaux pour traverser la Durance




- "Il est parti quand?
- A la lune de Juillet.
- Il en avait pour combien?
- Deux mois en comptant large.
- Deux mois pour toi, dit Antonio.
- Deux mois pour lui aussi, dit Matelot. Je le connais. Je fais pas fond sur lui parce que c'est mon fils, je sais comme il travaille. Il devait couper cinquante sapins.
- Où?
- Au pays Rebeillard (2), cinq jours de l'autre côté des gorges. Il devait faire le radeau et descendre avec. C'est pour ça."

(...)

- "Qu'est-ce que tu crois? dit Antonio.
- Je cherche pas à croire, dit Matelot, ce que je sais c'est qu'il a coupé les arbres, fait le radeau et qu'il a du le flotté.
- Alors?
- Peut-être noyé, je pensais."
Jean Giono - Le Chant du monde


(1) La fête des radeliers d'Embrun a lieu en été (Voir OT d'Embrun)
(2) Le pays Rebeillard : Pays né de l'imagination de Jean Giono et qui ne serait rien d'autre que le Trièves (au nord du col de la Croix haute, le pays de Lalley) et toujours dans son imagination, les gorges seraient celles du Verdon  et le 'Fleuve', le Buëch. Tout est dit, tout est inventé...

vendredi 27 septembre 2013

On dit ... Riche comme Crésus ! C'est avant tout une histoire de zéros !


Le zéro, comment ça se multiplie?



Jules expose son problème à Mademoiselle Delphine
(Collection personnelle )


Le petit chemin, menant à l'école de Redortiers, au lieu dit "Les Sartrons", Jules rend visite à sa maîtresse pour un problème d'arithmétique...ou bien...


Une histoire d"ainsi de suite"...

l'école des Sartrons au Contadour,
 école de Mademoiselle Delphine, l'institutrice de Jules
Jules 
C'est un problème d"ainsi de suite", c'est à partir de l"ainsi de suite" que je suis foutu, parce que moi je voulais parler d'un chiffre à trente zéros!
Delphine 
Trente zéros ? Tu fais de l'astronomie ?
Jules 
De l'astronomie ? Pourquoi ?
Delphine 
Parce que trente zéros, dans le ciel ça se prononce, sur la terre c'est imprononçable !
Jules 
Mais enfin, celui qui a mille francs, il prononce mille francs, celui qui a cent mille francs, il prononce j'ai cent mille francs, celui qui a un million il prononce j'ai un million, celui qui a des milliards qu'est-ce qu'il prononce ?...
Delphine 
il prononce pas : il éclate !!
Jules 
Il éclate !!!
Delphine 
Hé oui, qu'est ce que tu veux qu'il fasse d'autre. Ici on peut tout acheter avec 3 sous. Il n'y a que 2 francs de différence entre une grive et cha-cha, et pourtant, comme goût, c'est le jour et la nuit. Alors, qu'est-ce que tu veux faire avec des milliards ? Si tu as des milliards, tu éclates !
Jules 
Et si je veux pas éclater...
Delphine 
"Ah, si tu veux pas éclater, alors je sais pas. Alors, il y a les banques. Les banques c'est des soupapes de sûreté. Comme à la batteuse. Quand il y a trop de pression, ça siffle..."
Jean Giono - Scénario de Crésus



La placette de Forcalquier, sur la droite on distingue des devantures,
C'est là que Jean Giono a situé le "Crédit Foncier des Alpes"

(C'est aujourd'hui la terrasse du restaurant l'Aïgo Blanco)

Jules, suivant les conseils de son institutrice part à la recherche d'une banque pour y placer tout son argent...il raconte ensuite sa visite (plutôt celle de son copain, pour ne pas se dévoiler) à Monsieur le Curé :


Jules 
(...) Quand je vous dit que mon copain a beaucoup de sous, je veux dire qu'il en a beaucoup, beaucoup, beaucoup. Astronomique. (...) Quand il a su qu'il en avait tant, il s'est dit : qu'est-ce que je vais en faire ? On lui a dit : va à la banque, la banque c'est un truc pour les sous ; quand y en a trop, ça siffle. Il y est allé, ça n'a pas sifflé. (...) La banque elle s'est mise à lui dire ce que c'est que des milliards. Alors, là, il a eu peur. Des milliards, Monsieur le Curé ! Vous savez ce que c'est, vous des milliards ?
Le Curé 
Des milliards ? tu es sûr de ne pas te tromper ?
Jules 
Sûr, comme d'être là devant vous.
Le Curé 
Ne prends pas Dieu à témoin, Jules, c'est défendu. Des milliards, c'est énorme.
Jules 
C'est énorme et imprononçable. Et voilà pourquoi il a peur. Celui qui a mille francs, il s'achète une bicyclette et ça lui fait toute la vie. Celui qui a un million, quand il se sera acheté une bicyclette toutes les années pendant vingt ans - et encore en dormant la nuit- c'est le bout du monde, mais celui qui peut s'acheter dix mille bicyclettes par seconde pendant cinq mille ans, eh bien, celui-là, il a peur.
Jean Giono - Scénario de Crésus

scène du banquet sur la crête (source internet)

La placette ou Jules dépose méthodiquement les billets devant chaque porte (village de Saumane)
Alors Jules décide pour célébrer sa toute nouvelle condition,  de convier ses voisins et ses ennemis à un très pittoresque banquet, en plein air sur le plateau, ce repas tourne à la bataille rangée, c'est une scène forte du film, puis Jules s'emploie  à distribuer méthodiquement sa nouvelle fortune et dépose régulièrement des paquets de billets devant la porte de chacun des villageois. Les habitants méfiants et armés partent alors tous ensemble à sa rencontre, bien décidés à en découdre avec lui sur cette soudaine générosité ...
L'arrivée de deux policiers dans une grosse traction noire met un terme à cette rocambolesque aventure et empêche que tout cela ne tourne à la tragédie, les billets sont des faux largués par l'ex-occupant Allemand pour "bousiller" l'économie nationale.

L'homme 
C'est moi qui cherche où est l'argent.
Jules 
Chez moi, dans des sacs de pommes de terre.
L'homme 
Vous n'en n'avez pas trop dépensé ? 
Jules 
 J'en ai donné aux gens d'en bas.
L'homme 
 Montez...
Jean Giono - Scénario de Crésus


La place de l'église de l'Hospitalet, au pied de la montagne de Lure
l'auto s'arrête devant l'église, elle croule sous les sacs de Jules chargés sur le toit, les habitants défilent alors devant un sac ouvert et y jettent les billets.

L'homme 
Allons, pressons, passons la monnaie. Je n'ai pas envie de coucher ici. Vous n'y avez pas touché ?
Paul 
Non !
L'homme 
Cependant il y avait une bonne pincée.
Albert 
On n'a pas eu le temps d'avoir des idées. Ça nous tombait dessus comme la misère sur le pauvre monde !


La voiture se met en route, la fortune disparait dans un nuage de poussière...Le village reprend alors sa vie passée...
Tout est bien qui finit bien, Jules libéré demande à Fine de l'épouser.

Jules frappe à la porte :

Fine 
Qui est là ?
Jules 
Moi.
Fine 
Qu'est-ce que tu viens faire ici ? Je t'ai dit que cette porte ne s'ouvrirait que pour mon mari.
Jules 
Ouvre, je te dis.
Fine 
Je te répète que cette porte ne s'ouvrira que pour mon mari.
Jules 
Ouvre. C'est ton mari.
Fine 
Qu'est-ce que tu dis ?
Jules 
C'est ton mari.
Fine 
Et où il est mon mari ?
Jules 
Il est pas derrière. Il est là. C'est moi.
Fine 
Toi !
Jules 
Tu sais ce qui est arrivé ?
Fine 
Oui, je sais, entre, je vais mettre ton couvert.
Jean Giono - Scénario de Crésus


Jules et Fine
(collection personnelle)

dimanche 22 septembre 2013

Crésus , "C'est un type qui a beaucoup d'argent, beaucoup, beaucoup, beaucoup! Des milliards."


"La lecture s'adresse à une élite ; le cinéma s'adresse à tout le monde. J'ai écrit cinquante romans, mais, dernièrement montrant ma carte de demi-tarif à un contrôleur de la S.N.C.F. il m'a  dit : "Giono", le metteur en scène? Tout ça parce qu'à  ce moment-là 'Crésus' tenait l'affiche. D'un côté quarante ans de travail solitaire, de l'autre côté six mois de travail facile."

Jean Giono - Quelques réflexions à propos du cinéma - Scénario de Crésus, Mars 1961



Scénario de Crésus qui m'a été dédicacé par Sylvie Durbet-Giono 

C'est l'histoire de Jules, un berger vivant en solitaire sur cette lande, dont le seul luxe est de retrouver certains soirs la compagnie de Fine sa voisine. Un jour qu'il promène ses bêtes, il tombe sur une sorte de bombe, remplie de billets de banque. Des billets à ne plus savoir qu'en faire, surtout pour un pauvre bonhomme qui a toujours vécu là haut sur sa montagne et ne connait rien d'autre que la vie de berger.
Que faire de tout cet argent? Comment le dépenser? Comment en profiter? La question est posée et il cherche à y répondre, en vain, ne faisant que s'attirer la haine des villageois d'à côté à qui il croyait faire plaisir en leurs distribuant sa fortune. C'est vrai...pourquoi auraient-ils besoin d'un argent dont ils ne savent que faire !! source internet


Le film édité  en DVD chez Ciné génération éditions

'Crésus' est un film écrit et réalisé par Jean Giono , sorti en 1962, avec Fernandel dans le rôle de Jules (Crésus), Marcelle Ranson-Hervé dans le rôle de Fine , Madame Sylvie dans le rôle de Delphine (l'institutrice de Jules), Rellys , Paul Préboist et bien d'autres...


Jean Giono, Fernandel et son fils Franck sur les lieux du tournage
(collection personnelle - Achat Cinémagie- Forcalquier)

Voici les deux bergeries de Jules et Fine lieux de tournage de cette belle fable, lieux retrouvés lors de randonnées cet été sur le plateau du Contadour et ses alentours.


La bergerie de Jules, lieu de tournage
























Elle est encore en bon état, elle a été crépie et sert encore aujourd'hui vraisemblablement toujours d'abri de berger.



La bergerie de Fine

























En ruine par rapport à celle de Jules, située dans le vallon également à quelques 500 mètres Elle est aujourd'hui occupée par une cheval et quelques vaches, il ne reste plus grand chose de la coquette petite maison de Fine.




Plaque apposée sur le mur de la bergerie de Jules

Le principal habitant à ce jour de la bergerie de Fine